Taïwan, un miracle économique
Le livre que consacre Jean Chardonnet à l’économie taïwanaise appelle irrésistiblement à la comparaison avec celui de René Dumont Taïwan, le prix de la réussite (Éditions de la Découverte, 1987). Les deux auteurs sont de toute évidence idéologiquement opposés, mais ils invitent, tous les deux, le reste du monde à renouer avec Taïwan. René Dumont, qui ne voyait autrefois le salut que dans l’écologie socialiste, recommande au Tiers-Monde, non pas de copier servilement le développement de l’île, mais d’en tirer bien des leçons : « Dur travail d’abord, grande intelligence de l’économie… Gouvernement vraiment nationaliste, plus soucieux de l’intérêt national que de celui des minorités privilégiées… ».
Si l’ouvrage de René Dumont est surtout consacré à l’agriculture, celui de Jean Chardonnet couvre l’ensemble des aspects économiques et, en particulier, le développement industriel qui représente le véritable miracle économique de ce petit pays pratiquement dépourvu de ressources du sous-sol. Convaincu de la bonne cause du gouvernement de Taïpei, Jean Chardonnet n’a aucune difficulté à démontrer le « sans-faute » économique que René Dumont reconnaît à Taïwan depuis quarante ans. Ayant bénéficié de toute l’assistance des autorités locales, l’auteur a su condenser dans un ouvrage remarquablement construit et très clair, appuyé sur des exemples précis, tout ce qu’il faut savoir sur l’économie taïwanaise.
On sera moins sévère que l’auteur sur le bilan de l’héritage de l’occupation japonaise et on ne partagera pas son optimisme sur l’éventuel repli des hommes d’affaires hongkongais vers Taïwan après 1997. Par contre, on soulignera l’aspect, non évoqué par l’auteur, mais qui est appelé à se développer considérablement, des échanges indirects entre la Chine communiste et l’île nationaliste.
Si R. Dumont donne Taïwan en exemple au Tiers-Monde, Jean Chardonnet, dénonçant « le caractère ridicule de l’ostracisme dont certains pays usent à l’égard de Taïwan », démontre avec clarté tout l’intérêt que les Européens auraient à multiplier les échanges avec ce pays. Une des raisons invoquées pour ne pas établir de relations étendues avec Taïwan est, depuis longtemps, de ne pas porter ombrage à Pékin. Or, c’est justement pour diversifier ses échanges, trop dépendant des deux principaux partenaires de la République populaire de Chine (le Japon et les États-Unis), que Taïpei recherche des débouchés et des fournisseurs en Europe. Étonnant paradoxe !
Taïwan est, sans aucun doute, un partenaire potentiel crédible, disposant de réserves considérables en devises. Au nom de quelle stratégie économique, ou de quels principes, peut-on, encore maintenant, ignorer ceux que Pékin appelle officiellement à une coopération directe, tandis que leurs échanges indirects via Hong Kong connaissent un essor fabuleux ? ♦