Le Caire : mille et une villes
Les Égyptiens l’appellent Oum ed-dounia, la mère du monde ; al-Qahira, la triomphante. La ville « ploie sous le poids » de ses douze millions de fils : la moitié d’entre eux ont moins de vingt ans et partagent une soif diffuse, que les idéaux de l’infitah – libéralisme économique et « ouverture » à l’Occident – n’étanchent pas ; leur adhésion à l’une ou à l’autre des tendances du mouvement islamique est parfois l’issue de l’errance.
Jadis cœur battant du monde arabisant, Le Caire s’est peu à peu fermé à ce rôle. Les institutions charnelles et historiques qui donnaient consistance à ce mythe se sont étiolées. Premier de ces lieux, massif et apparemment incontournable : al-Azhar. Mais les étudiants étrangers qui constituent la plus grande partie des azharistes se recrutent dans les rangs des Africains et des Asiatiques. Les oulémas ont perdu le prestige que leur avait valu leur participation active au mouvement national. L’université, second pilier de l’arabisme, a désormais essentiellement une vocation nationale ; elle a éclaté d’ailleurs en nombreuses sous-universités. Plus généralement, la vie intellectuelle n’y joue plus le rôle de phare au sein du monde arabe. Mais la ville offre toujours un mode de vie urbain qui fait encore défaut aux agglomérations futuristes surgies des sables de la péninsule arabique.