La banqueroute de Law
L’Essai de bibliographie critique établi par Paul Harsin et inséré à la fin du monumental ouvrage d’Edgar Faure sur le « Système » financier introduit en France sous la Régence par l’Écossais Law, permet de mesurer l’intérêt considérable manifesté par les historiens français ou étrangers pour cette expérience assez étonnante de modernisation des structures économiques et monétaires d’un pays.
Malgré l’abondance des recherches antérieures, l’apport d’Edgar Faure à une meilleure connaissance de ce Système apparaît comme très important. Il a utilisé de nombreuses sources inédites et découvert, en particulier, dans les archives provinciales publiques et privées, une série de documents qui fournissent sur le fonctionnement du Système des précisions nouvelles et parfois inattendues. Il s’est livré, en outre, à une analyse très fine et originale de la documentation classique déjà disponible.
Mais l’intérêt de son ouvrage tient également au fait qu’il a abordé son sujet non seulement en historien, mais en praticien de l’économie et des finances, parfaitement au courant des problèmes que pose la gestion journalière et concrète des finances publiques et familiarisé avec la manipulation du budget, de la monnaie et des échanges.
À vrai dire, le lecteur peu averti de ces questions se sentira vite désorienté parmi les « savants agencements » des techniques mises en œuvre par Law et il aura, par moments, l’impression de perdre pied dans le flot de mesures et contre-mesures assez embrouillées qui caractérisent en particulier le déclin du Système. Mais nous ne croyons pas qu’il sera pour autant tenté d’abandonner l’ouvrage. Car la complexité des mécanismes décrits n’enlève rien à la passion des hommes qui s’acharnèrent à assurer leur bon fonctionnement ou qui, au contraire, firent tout ce qu’ils pouvaient pour les enrayer. Et ce sont ces passions et les hommes qui en étaient animés qu’Edgar Faure réussit à faire revivre avec un art consommé de la mise en scène et une perspicacité psychologique rarement en défaut. Les portraits qu’il trace, non seulement de son héros principal, Law, mais de la plupart des autres personnages qui, de près ou de loin, s’intéressèrent au Système – le Régent, en tête ; le duc de Noailles ; le duc de Bourbon ; l’abbé, puis cardinal, Dubois ; le marquis d’Argenson etc. – sont parmi les meilleurs et les plus saisissants parmi tous ceux qu’il nous a été personnellement donné de lire. Quant au récit proprement dit des événements, il est rendu particulièrement vivant par le recours à de nombreuses citations de textes d’époque – lettres, mémoires, documents officiels, etc. – toujours bien choisis et bien amenés.
En résumé, un ouvrage en tout point excellent, dont la verve et le brio pallient les très réelles complexités techniques. ♦