Antimilitarisme et Révolution. Tome II : Anthologie de l'antimilitarisme révolutionnaire
Nous avons rendu compte dans notre numéro de janvier 1977 du premier tome de cette enquête sur l’antimilitarisme révolutionnaire qui doit, en quatre volumes, couvrir la période 1848-1975. Dans ce deuxième ouvrage, les auteurs se penchent sur l’entre-deux-guerres, depuis « la montée révolutionnaire des années vingt » jusqu’à l’aube de la seconde guerre mondiale.
Conformément à l’esprit de la série, il s’agit d’un recueil de documents, parfois inédits, qui, abstraction faite d’interprétations singulièrement orientées et d’une logomachie à la longue fastidieuse, constitue un outil de travail intéressant par les sources qu’il fournit.
Un fait majeur domine l’histoire de l’extrême-gauche entre 1918-1939 : le lancement par Lénine de la IIIe Internationale et la constitution consécutive de partis communistes dont deux sont appelés à jouer un rôle majeur dans l’histoire politique de l’Europe occidentale, l’un en France, l’autre en Italie. La masse de la documentation réunie ici émanant essentiellement de leurs archives comme aussi, après la rupture entre Staline et Trotsky, de leur opposition « gauchiste », sa lecture exige parfois une certaine fréquentation des arcanes idéologiques du mouvement communiste international.
Côté italien, les auteurs insistent sur la faiblesse de l’action antimilitariste du PCI face à l’agressivité des hommes de Mussolini a un moment où, en 1921-1922, « l’armée travaille de plus en plus ouvertement avec les fascistes ». Quelques textes (Lettres de Gardes Royaux, Lettre d’un soldat rebelle, Fraternisation…) signalent cependant l’existence de ferments révolutionnaires dans la troupe, témoignages que publiait à l’époque L’Ordine Nuovo de Gramsci dans sa « Tribune des Soldats rouges ».
Côté français, l’attitude du jeune parti communiste est étudiée à la faveur d’une propagande dont les temps forts sont ses campagnes contre l’occupation de la Ruhr (A. Marly : Le procès de Mayence) et la guerre du Rif (« La caserne » : Soldats de France, fraternisez avec Abd-El-Krim !). On lira par ailleurs, outre un pittoresque appel des Jeunesses communistes (Aux Mamans !), une diatribe de Jacques Doriot en 1924 (L’armée et la défense du capitalisme) qui ne laisse point présager de ses prises de position futures…
Après une série de textes théoriques de l’Internationale communiste (L. Alfred, J. Dupont, K. Fischer : L’antimilitarisme révolutionnaire, aperçu historique : L. Trotsky : Les problèmes de la guerre civile), les auteurs abordent la guerre d’Espagne, principalement sous l’angle de la lutte d’influence entre PCE, stalinien, et le POUM, trotskyste (F. Claudin : Le problème militaire dans la révolution espagnole).
L’ouvrage se clôt sur un texte de 1935 (J. Taber : La classe ouvrière et l’armée) qui, entre autres thèmes, reprend l’éternel débat armée de métier – armée de masse à la lueur des récents écrits que venait de publier le lieutenant-colonel Charles de Gaulle et du rétablissement de la conscription par Hitler. On s’interrogera sur la curieuse analyse que l’auteur prête à Léon Blum qui, quelques années avant le désastre de 1940, suspecte l’état-major français de vouloir forger une armée de professionnels en vue de futurs « projets d’offensive stratégique » et d’une « conquête révolutionnaire »… ceci en prélude à la Seconde Guerre mondiale, qu’abordera le prochain volume. ♦