Atlantique Nord, enjeu du ciel
Auteur de nombreux reportages sur des sujets variés. Jean Mezerette avait déjà été attiré par ce champ d’affrontement fascinant qu’est l’Atlantique Nord et avait publié en 1960 un ouvrage intitulé « Dans le ciel de l’Atlantique Nord ».
Avec son dernier livre, bien plus qu’un simple reportage ou présentation d’un dossier, il nous présente une véritable épopée avec ses héros légendaires et ses aspects fantastiques. Il dépeint de façon très vivante l’atmosphère qui régnait à partir de 1919 des deux côtés de l’Océan, en Europe et en Amérique du Nord, parmi tous ceux qui voulaient vaincre l’obstacle séparant les deux continents. Grâce à des faits précis, il met le lecteur au cœur du sujet en décrivant avec réalisme les espoirs, les drames, les victoires et les échecs de tous ces pionniers de l’aéronautique. Lindbergh, Nungesser et Coli, Byrd, Lefèvre et Lotti, Coste et Bellonte, Amelia Earhart, Codos et Rossi sont des figures célèbres, mais après avoir lu le livre de Jean Mezerette, nous avons l’impression de les connaître de façon plus personnelle.
Au-delà des hommes, cet ouvrage nous fait assister à la naissance de l’industrie aéronautique en Europe et aux États-Unis et à l’essor des compagnies aériennes.
Après les pionniers, nous voyons l’essor des grands constructeurs et des grandes compagnies commerciales : en Amérique du Nord Curtiss, Douglas, Gleen Martin, Boeing, Lockheed, Juan Trippe et la Panam, Howard Hughes et la TWA, en Europe Sir Geoffroy de Havilland, Nord et Sud Aviation (devenus la SNIAS), Georges Hereil, Henri Ziegler, Marcel Dassault, Lucien Servanty, Air France et la BOAC (actuellement British Airways).
L’Atlantique Nord est devenu très vite une source de conflit entre l’Europe et les États-Unis. Ces derniers, saisis encore à cette occasion par le vieux démon du protectionnisme, vont tout faire pour que les entreprises européennes se soldent par des échecs. Cette lutte entre deux continents est certainement le point clé du présent livre. Déjà, à l’époque des raids, Codos et Rossi sont en butte, à New York, à de multiples tracasseries dont le seul but est de les empêcher de réaliser la traversée États-Unis–Asie.
Plus tard, après la deuxième guerre mondiale, l’Amérique se dresse contre le Cornet, premier Jet Liner qui aux yeux des Américains a le vice rédhibitoire d’être britannique. On assiste ensuite à ce que l’auteur appelle le « matraquage de la Caravelle ». Les contrats d’achat passés par les compagnies américaines sont rompus, des pressions sont exercées sur divers pays acquéreurs pour qu’ils renoncent à cet appareil. Tout ceci est motivé par la sortie imminente du Concorde que les États-Unis voient arriver avec dépit, leurs bureaux d’études s’étant laissé devancer par la Grande-Bretagne et la France.
C’est ainsi que le livre de Jean Mezerette débouche sur la pleine actualité, alors que nous suivons avec intérêt la difficile percée de Concorde aux États-Unis. La lutte que mènent actuellement la France et la Grande-Bretagne est le prolongement de ces affrontements dont l’enjeu est l’Atlantique Nord et qui durent depuis qu’un pilote s’est aventuré au-dessus de cet océan pour relier les deux continents.
Livre captivant, d’une lecture facile et qui a le mérite de replacer un épisode d’une brûlante actualité dans la perspective historique qui convient. ♦