La protestation populaire en France (1789-1820)
Alors que les précédents ouvrages de Richard Cobb, Professeur à Oxford, avaient été écrits directement en français (notamment Les Armées révolutionnaires, 1962-1963, et Terreur et subsistance, 1965), La protestation populaire en France (1789-1820), ou plutôt dans son titre original The Police and the People, est traduit de l’anglais.
Le présent ouvrage n’est pas à proprement parler une histoire de la protestation populaire, comportant le récit détaillé des « journées révolutionnaires », mais l’étude des formes et des acteurs de la protestation. Comment appréhender historiquement le phénomène ? Les archives de la police, enquêtes, interrogatoires, rapports de gendarmes et d’indicateurs, en constituent la principale source ; Richard Cobb se livre, dans une première partie, à une critique des sources qui passionnera bien des historiens : il montre comment apprécier un phénomène à travers ce qu’en disent ses adversaires, comment déterminer si l’auteur du document avait intérêt à minimiser ou au contraire à amplifier l’événement.
Ce type de sources évoque tout un petit peuple (parisien autant que provincial, citadin autant que rural) à l’existence incertaine, pratiquant les petits métiers, habitant les « garnis ». Déracinés, ces hommes et ces femmes se regroupent selon leurs origines géographiques et se situent à la limite de la délinquance. Richard Cobb suit le petit peuple dans ses actes de protestation primaire et spontanée : émeutes, désertions, vagabondages. Il est ainsi amené à émettre des doutes sur la notion du « mouvement populaire » pendant cette période : selon lui, le « mouvement sans-culotte » ne fut pas un mouvement de masse mais un phénomène minoritaire fortement teinté de chauvinisme étroit et d’anarchisme avant la lettre. On en comprend dès lors l’échec en 1793-1795 : déjà réprimés par les Jacobins, les Sans-culottes sont victimes de la réaction thermidorienne et de la Terreur blanche (dont Richard Cobb dresse un excellent tableau) à cause de leurs divisions et de leur passé trop voyant, avant d’être exposés, en raison de leurs conditions matérielles précaires, à la disette, à l’exil et au désarroi moral.
Richard Cobb débouche sur une histoire des mentalités. Dans sa troisième partie, il confronte le peuple à « son ennemi le plus ancien et le plus obstiné : la faim ». Si la disette ou la simple peur de manquer mettent en émoi le menu peuple, elles ont surtout pour effet de le désunir, de détourner son attention de l’analyse politique vers les problèmes du quotidien et de la survie ; de plus la disette mène au banditisme et peut être facilement neutralisée par la charité ; elle n’est donc pas génératrice de mouvement révolutionnaire.
Voilà un livre à verser au dossier historiographique qui oppose tenants et adversaires (dont fait partie Richard Cobb) du rôle moteur de la « sans-culotterie » considérée comme une classe sociale. Pour le lecteur non averti, le livre présente l’avantage d’être écrit dans un style alerte et non dépourvu d’humour, qui rend la relation des faits très attrayante. ♦