Raspoutine et le crépuscule de la monarchie en Russie
Les dernières années du pouvoir impérial en Russie ont fait l’objet d’études innombrables. La quasi-totalité des documents d’archives est en effet, depuis pas mal d’années, dans le domaine public. Les témoignages des acteurs du drame, qu’il s’agisse de correspondances ou de mémoires, ont été publiés pour la plupart, en Russie même et en Occident. Très peu de choses manquent aux historiens pour se prononcer.
L’originalité de la contribution de Michel de Enden ne tient donc pas à la découverte de quelques documents inédits. Elle réside essentiellement dans une tentative de dépassionner le personnage de Raspoutine, d’en parler en toute objectivité, sans ces clins d’œil de côté, lascifs et équivoques, qui accompagnent le plus souvent, même dans les ouvrages sérieux, toute évocation du thaumaturge (1). Michel de Enden ne cherche pas pour autant, loin de là, à « réhabiliter » le staretz, mais plutôt, en historien averti, à cerner avec exactitude, l’influence réelle qu’il exerça dans l’opinion et sur les affaires de l’État russe.
L’auteur a certes été aidé dans cette tâche par ses origines russes et sa maîtrise de la langue mais aussi par le fait qu’il a connu de près, dans les premières années de l’émigration, la plupart des témoins survivants du drame des dernières années de la monarchie russe. Sa formation universitaire française lui a donné par ailleurs le goût de l’analyse et a développé son don de la synthèse historique. Son livre mérite de prendre place parmi les ouvrages les plus sérieux et les plus complets consacrés au sujet. ♦
(1) Parmi les exceptions, il faut, bien entendu, citer en tout premier lieu le très remarquable Nicolas et Alexandra de Robert K. Massie (Éd. Stock 1969).