Le défi de la guerre (1740-1974). Deux siècles de guerres et de révolutions
L’ouvrage de Gaston Bouthoul et de René Carrère retient l’attention à plus d’un titre : il s’inscrit tout d’abord dans la longue perspective des études polémologiques de Gaston Bouthoul, bien connues des lecteurs de cette Revue : il apparaît ensuite comme la reprise et le développement en France des travaux de trois chercheurs anglo-saxons (Quincy Wright : A study of war, 1942 : Richardson : Statistics of deadly quarrels, 1960 : David Singer et Melvin Small : The wages of war, 1972) ; mais il se signale surtout par la tentative d’analyse quantitative du phénomène guerre menée avec le concours de l’informatique.
De la guerre de Succession d’Autriche aux affrontements contemporains les plus récents, 364 conflits armés majeurs sont sélectionnés, recensés, codés et traités à l’aide d’une grille d’indicateurs construits pour répondre aux plus sévères exigences d’objectivité et d’universalité. Cette intention recèle à la fois la force et la faiblesse de l’entreprise. On ne peut qu’être séduit par l’originalité de la recherche qui est la première du genre réalisée en France. Mais on peut s’interroger sur la validité de la comparaison de faits comptabilisés dans des sociétés, des cultures et des périodes historiques dont les auteurs ont eux-mêmes longuement souligné la diversité. Tout processus de recherche empirique revêt nécessairement un caractère expérimental, et on pourrait regretter que les hypothèses qui ont présidé à la construction du plan d’analyse polémologique et à la définition des instruments de mesure n’aient pas été plus systématiquement exposées : des choix ont été faits, qui ne sont pas toujours expliqués.
Ces réserves méthodologiques ne doivent pas masquer au lecteur la richesse de l’information, déjà soulignée par Jean Fourastié dans sa préface : le grand nombre d’événements et de faits polémologiques qui sont présentés donne à ce petit livre les caractères d’un ouvrage de référence, très utilement complété par la chronologie des 364 conflits étudiés et par une bibliographie de près de 150 titres. ♦