La parole et l’outil
Cet ouvrage d’analyse économique est extrêmement savant. Nous ne pensons pas qu’il se trouve plus de quelques milliers de personnes en France capables d’en aborder la lecture avec aisance et d’en assimiler totalement le contenu. Mais ce n’est peut-être pas une raison suffisante pour qu’une élite moins étroitement spécialisée s’en détourne. L’ouvrage, croyons-nous, présente un double intérêt. D’une part, son auteur est l’un des principaux conseillers économiques de la direction du Parti socialiste (PS) et de son leader François Mitterrand : nul ne peut affirmer qu’il ne sera pas un jour ministre de l’Économie et des Finances. D’autre part, cette étude rend compte de toute une série de très remarquables efforts poursuivis principalement, depuis une dizaine d’années, au sein des séminaires institués par l’École Polytechnique pour les élèves de la nouvelle option Économie.
Il s’agit pour ces équipes de sortir la science économique des ornières où elle s’est « fourvoyée » à la suite de Keynes et d’un certain nombre de dirigeants politiques dans tous les pays plus préoccupés de maintenir l’état social existant que de répondre au défi de la crise actuelle. Le modèle de société conçu par Jacques Attali est certainement, malgré sa complication, séduisant à bien des égards. Nul ne peut évidemment mesurer les chances de le voir se réaliser un jour. Mais ce qui est important, c’est de savoir s’il est ou non logiquement possible, « les choses étant ce qu’elles sont ». Jacques Attali met toute son érudition, toute son intelligence et tout son talent – ils sont grands tous les trois – à nous en convaincre. ♦