La vérité guidait leurs pas
Les quatorze portraits d’hommes politiques réunis dans le présent ouvrage sont de différentes époques, et sont inspirés par des circonstances très diverses : commémorations, nécrologies, critiques, préfaces, etc. – articles assez disparates. Il est forcé que ce genre d’ouvrage manque d’unité et de composition. Un préambule, intitulé « L’homme d’État et le pouvoir », une postface « Où en sommes-nous ? », s’efforcent bien de régler l’éclairage de cette galerie de portraits pour les rendre moins disparates. Mais cet effort, à notre avis, n’est pas payé de retour, car, en tout état de cause, rapprocher, par exemple, Charles de Gaulle d’Émile Zola, ou celui-ci de Georges Boris, ou Winston Churchill de Jean Jaurès, ne peut procéder que de l’exercice de style.
Ceci étant dit pour ce qui concerne l’ensemble de l’ouvrage, reconnaissons que certains des portraits, considérés en eux-mêmes, sont réussis ; d’autres le sont moins et il faut, sans doute, pour leur trouver de l’intérêt, se reporter aux circonstances particulières qui les ont motivés. Dans tous les cas, cependant, c’est au lecteur qu’incombe en fin de compte la tâche de découvrir pourquoi tel personnage a été préféré à tel autre et en quoi les élus satisfont aux critères fixés par Pierre Mendès-France dans son préambule.
Ce préambule constitue sans doute la principale raison d’être de l’ouvrage. Il a quelque peu l’allure d’un testament politique ou, suivant le mot à la mode, d’une « réflexion » sur la vie publique de l’auteur. On est surpris de constater que Pierre Mendès-France a renoncé pour cette fois à la subtilité qui lui est coutumière. À vrai dire, il n’est pas pour autant devenu simple et direct. Il a opté pour un style de pensée – et un langage – qui sont de mise dans une réunion électorale, mais déplacés dans une démonstration. En particulier lorsqu’il défend, par référence à une certaine mystique assez peu convaincante, la gauche contre la droite, ou qu’il fait à celle-ci des procès d’intention sur un ton à la fois partisan et amer (pourquoi ?). Le regretteront tous ceux qui, sans partager les options politiques de Pierre Mendès-France, ont toujours apprécié la rigueur de ses raisonnements et la force de ses convictions. ♦