Ces grandes années que j’ai vécues
Second volet d’un diptyque intitulé Souvenirs de famille et journal politique, le présent volume, couvrant la période 1958-1970, est consacré au retour au pouvoir du général de Gaulle (1). Ce n’est pas l’œuvre d’un mémorialiste, qui profite d’un certain recul des événements pour réfléchir sur leur sens et leur portée. C’est plus exactement un carnet (fort épais d’ailleurs), où les événements et les premières réactions qu’ils provoquent chez l’auteur sont consignés au jour le jour, dans l’ordre chronologique et en quelque sorte à l’état brut (apparemment, du moins).
Le principal intérêt (mais non le seul, empressons-nous de le dire) de ce carnet est d’avoir été tenu par le beau-frère du général de Gaulle. Les deux hommes se voyaient souvent, dans le cadre de la famille, mais aussi parce que Jacques Vendroux, après l’arrivée au pouvoir du général, avait élargi le cadre de ses activités politiques du temps du Rassemblement du peuple français (RPF) en devenant député, président de la Commission des affaires étrangères et maire de Calais. À ces divers titres, il a rencontré beaucoup de monde, tant dans les milieux dirigeants que parmi l’establishment. Il a souvent pu connaître le dessous des cartes, ce qui l’a mis en mesure de comprendre mieux que d’autres le sens réel des événements et de les commenter plus intelligemment.
La ferveur gaulliste de Jacques Vendroux transparaît bien entendu tout au long de son récit. Mais il la manifeste avec beaucoup de mesure, avec distinction pourrait-on dire, sans jamais élever la voix, et en faisant preuve d’une parfaite courtoisie envers ses adversaires politiques.
Ce ton de bonne compagnie se retrouve dans le style, un tantinet désuet et pourtant agréable et reposant.
Certes ! bien des lecteurs sont sans doute lassés de l’extraordinaire prolifération, depuis quelques années, des ouvrages consacrés à cette période de notre histoire et au personnage central qui lui a donné son relief. Il est peut-être temps, estiment-ils, de souffler et de prendre du recul par rapport aux événements. Néanmoins un livre comme celui de Jacques Vendroux n’est certainement pas inutile. Il constitue un témoignage à chaud, donc un document, qui mérite au minimum et plus que bien d’autres, d’être archivé pour l’usage des historiens futurs. ♦
(1) Le tome I avait pour titre Cette chance que j’ai eue.