Les Marins de l’An II
Georges Bordonove avait déjà manifesté, avec Le naufrage de la Méduse, qui reçut l’an dernier la bourse Goncourt du récit historique, l’intérêt qu’il portait à la grande aventure de la mer. Il reste dans le même domaine en donnant, avec Les Marins de l’An II, un ouvrage d’une haute qualité.
Les combats de Prairial, qui constituèrent sur le plan naval l’événement marquant de cette année 1794, apparaissent ici sur une large toile de fond où l’atmosphère de l’époque révolutionnaire, l’action du Comité de Salut public et la situation générale de la Marine sont évoquées et décrits de façon magistrale.
L’auteur porte naturellement une attention particulière à Jeanbon Saint André. Ce curieux personnage dont on a comparé le rôle à celui de Carnot, avait effectivement reçu de la Convention nationale une mission concernant la Marine tout à fait analogue à celle qui avait été confiée à l’« organisateur de la victoire ».
Ancien marin, ancien pasteur, il apporta à la reconstitution et à la préparation matérielle de l’escadre de Villaret-Joyeuse une énergie et une volonté hors du commun. Les officiers, par contre, issus des horizons les plus divers pour remplacer les vides créés par la Révolution, manquaient pour la plupart d’expérience militaire et de notion tactique, et tout cela se fit cruellement sentir.
Si le but recherché, l’arrivée à bon port du convoi de ravitaillement commandé par Van Stabel, fut atteint, les combats de Prairial ne comportèrent pas que des épisodes glorieux. Notons en passant que sous la plume de Georges Bordonove, la fin du Vengeur quitte le domaine de la légende pour rentrer dans celui de l’histoire.
On ne peut qu’admirer la patience et la minutie avec lesquelles l’auteur a dû, pour donner une vue d’ensemble des engagements, dépouiller et juxtaposer de très nombreux récits, chaque bâtiment n’ayant eu qu’une vue très limitée de l’action. Le résultat en est une remarquable réussite. ♦