Grande muraille, grande méthode
Sur le thème général de la Chine – celle du passé et celle du présent – ce volume est un patchwork qui assemble des articles précédemment publiés dans des revues, des conférences faites à la radio, mais aussi des études et des réflexions encore inédites. Bien que forcément mentionnée (le livre est paru en allemand en 1968), la Révolution culturelle n’est pas, pour une fois, au centre des préoccupations de l’auteur. Car celui-ci n’est ni un reporter ambitionnant de vendre cinq colonnes à la Une, ni un homme politique parti pour déchiffrer en trois semaines les énigmes du régime de Mao Tsé-toung et découvrir l’avenir mondial de la Chine. Joachim Schickel est un sinologue. Ses maîtres sont Granet, Lin Yu Tang, Claudel, Pauthier, Arendt. Il est un familier de la langue, de la littérature et de la philosophie chinoises sous la plupart de leurs aspects. Ce qui lui permet, comme à Alice, de passer de l’autre côté du miroir et de voir la Chine de l’intérieur. Ce qui lui permet aussi de rattacher le présent au passé. Ses analyses des évolutions récentes prennent ainsi une consistance et un sérieux qu’on ne s’attend plus tellement à trouver dans l’abondante littérature de ces dernières années.
Mais cette densité de l’œuvre a pour contrepartie l’effort demandé au lecteur pour l’appréhender, il faut être déjà un familier de la civilisation des Chinois et de leur manière de penser pour suivre Joachim Schickel par exemple dans son exégèse du Yijing (Livre des transformations) de Confucius, ou du Tao te King de Lao Tse. Autrement dit, l’auteur s’adresse non pas à ceux qui veulent s’informer mais à ceux qui veulent approfondir. C’est donc dans les milieux universitaires et parmi les étudiants qu’il trouvera surtout son public.
La traduction de Jean-Louis Scheffer est très bonne. On regrettera que l’édition française n’ait pas cru bon d’utiliser les transcriptions des noms propres chinois qui nous sont habituelles. On a du mal à reconnaître le Yang-Tsé-Kiang dans Jinshajiang ou Chiang Kaï-chek dans Jiang Jieshi. ♦