L'un des facteurs, parmi tant d'autres, de la défaite de 1940 est la contradiction entre la politique extérieure de la France, impliquant une stratégie offensive pour faire face aux obligations contractées à l'égard de la Petite Entente, et la doctrine militaire basée sur une conception essentiellement défensive. Mais cette discordance est elle-même incompréhensible hors l'hypothèse d'une impossibilité pour les politiques et les militaires d'entamer un dialogue et de se comprendre, impossibilité inscrite dans l'organisation des rapports entre le Gouvernement et le Haut-Commandement.
Gouvernement et haut-commandement en France entre les deux guerres - Contribution à une réflexion sur la défaite de 1940
Dans son Mémorandum du 26 janvier 1940 destiné aux quatre-vingts principales personnalités du monde gouvernemental, militaire et politique, le colonel de Gaulle écrivait : « À aucun prix, le peuple français ne doit céder à l’illusion que l’immobilité militaire actuelle serait conforme au caractère de la guerre en cours. C’est le contraire qui est vrai. Le moteur confère aux moyens de destruction modernes une puissance, une vitesse, un rayon d’action, tels que le conflit présent sera, tôt ou tard, marqué par des mouvements, des surprises, des irruptions, des poursuites, dont l’ampleur et la rapidité dépasseront infiniment celles des plus fulgurants événements du passé (1) ».
On connaît la suite des événements, leur enchaînement fatal. Comment en est-on arrivé là ? Comment les responsables politiques et militaires ont-ils pu se méprendre à ce point sur le caractère de la guerre nouvelle ? Depuis trente-cinq ans, innombrables sont les analyses qui ont cherché à percer l’ombre épaisse où s’enveloppe encore le drame de 1940. Simple aléa militaire ? Carence du système d’organisation militaire ? Vices fondamentaux de l’appareil d’État ? Effondrement d’une société minée par ses contradictions ?
Il convient, semble-t-il, de se garder de deux grands types d’explication. L’explication, tout d’abord, du genre « accident de parcours » ou « guerre des occasions perdues » (2). L’explication, ensuite, de type globalisant, à la manière de Montesquieu, dissertant sur la ruine de l’Empire romain pour y découvrir la résultante de ses faiblesses. La seconde tentative renvoie comme aux accomplissements d’un fatum ; la première laisse accroire que, sur le terrain, et jusqu’au bout, un redressement spectaculaire était possible.
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