Les cent premiers jours de Giscard
Pour un politologue viscéral et « tous azimuts » comme Alfred Fabre-Luce, les élections présidentielles du mois de mai 1974 et leurs suites étaient une occasion bénie de s’exprimer. Il l’a aussitôt saisie. Il s’est sans doute rendu compte que les circonstances allaient décupler son audience. En effet, tout le long de la campagne, le grand public n’a-t-il pas suivi avec passion les débats qui s’étaient instaurés sur les programmes des candidats ?
Et depuis les élections, l’attention des Français reste fixée sur la controverse non-stop instituée entre le nouveau pouvoir installé à l’Élysée et les forces de gauche qui ont manqué de peu leur intronisation. Sur tous les sujets venus ainsi au premier plan de l’actualité, Alfred Fabre-Luce est plein d’idées, depuis longtemps. Aussi profite-t-il de l’aubaine.
Comme toujours, il force notre admiration, sans toujours provoquer notre adhésion, par son extraordinaire talent de polémiste et son métier consommé de debater politique. Les pages qu’il consacre aux armements nucléaires, ou à la notion d’indépendance en politique étrangère, ou encore à ce qu’il appelle le « jobertisme », sont des modèles du genre et intéresseront aussi bien les convaincus que les hésitants.
Sur de nombreux problèmes – sans doute parce qu’il sait que c’est là un des meilleurs moyens de retenir l’attention – Alfred Fabre-Luce n’hésite pas à s’engager, c’est-à-dire à manifester très clairement, parfois même avec virulence ; ses opinions personnelles. On découvre ainsi qu’il est un « giscardien » convaincu, et certains estimeront peut-être que sa confiance en la personne du nouveau président frise la naïveté. Il confirme également – ceci est-il une conséquence de cela ? – son hostilité depuis longtemps connue, à la politique du général de Gaulle et la suspicion en laquelle il tient les « barons » de l’UDR (Union pour la défense de la République). Quand on aura, en outre, constaté que son anti-soviétisme n’a pas désarmé et qu’une certaine dose d’atlantisme ne lui fait toujours pas peur, on se sentira vraiment au cœur du débat. Un des grands mérites de son livre est d’en faire réaliser l’importance et le sérieux. ♦