Ravensbrück
La plupart des témoignages, documents et réflexions réunis dans ce volume ont déjà été publiés, soit dans des revues, soit à l’occasion d’enquêtes plus ou moins officielles sur la déportation. Mais leur présentation simultanée en renforce singulièrement l’impact.
Germaine Tillion analyse les différents matériaux qu’elle a pu recueillir sur « l’univers concentrationnaire » avec une objectivité, une rigueur et une sorte de détachement scientifique qui forcent l’admiration quand on sait par où elle est elle-même passée. Sa formation d’ethnologue, son métier de professeur, les nombreuses enquêtes qu’elle a menées en d’autres circonstances, avant et après sa déportation à Ravensbrück, l’ont certainement beaucoup aidée dans son effort pour s’abstraire et pour essayer de comprendre à fond, totalement, le comment et le pourquoi des choses qu’elle a vues.
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, les documents originaux, dignes de foi, sont rares : tout ce qui était vraiment important a été détruit par les responsables nazis, peu avant la débâcle. Pour comprendre les motivations psychologiques, les intérêts économiques, les opinions politiques et les conceptions sociales de ceux qui ont été à l’origine de l’institution des camps et de ceux qui en ont fait l’horrible réalité que nous savons, il a fallu à Germaine Tillion beaucoup de courage, de persévérance et de travail, mais surtout une volonté acharnée de « savoir », celle-là même, nous dit-elle, qui l’a soutenue tout au long de l’épreuve.
De ce point de vue, celle-ci a été pour elle, en un certain sens, une aventure intellectuelle. Et c’est sans doute ce qui rend son livre si profondément humain et si bouleversant, plus d’un quart de siècle après les événements qu’il relate. ♦