L’Angleterre en guerre 1939-1945
L’épaisseur de ce livre et la densité de sa typographie pourraient décourager le lecteur le plus intrépide. Qu’il se donne la peine de lire la préface et il n’en aura plus à courir jusqu’à la conclusion. Avec Angus Calder qui, s’il n’a pas tout vu, a tout retenu, nous nous engouffrons dans les abris de Londres pendant les nuits d’apocalypse, nous parcourons les rues dévastées, nous courons nous réfugier dans la campagne anglaise, nous visitons des usines d’armement, nous piétinons à la porte des boutiques, nous hantons les pubs, nous écoutons la BBC où, sur un fond d’explosions et de sirènes, l’inamovible et irremplaçable Winston Churchill stimule son « peuple en guerre ».
Tout un peuple en effet, un temps solidaire, se lance en avant pour mener son propre combat. Rejetant des hiérarchies traditionnelles pour ne plus se soumettre qu’à des compétences, il apprend à se conduire lui-même. Certes, cela ne va pas sans confusions, sans improvisations hasardeuses, sans gabegie même. Peu importe puisqu’au bout d’une route incertaine, la victoire a été acquise.
Ainsi Angus Calder, s’il nous fait revivre dans sa quotidienneté un dur épisode de l’aventure anglaise, s’efforce de le dépouiller de ses mythes. « Les faits, nous dit-il, qui détruisent les légendes ne sont pas difficiles à trouver ». Il en trouve donc et l’on jugera de l’importance de sa recherche en feuilletant les quelque vingt pages de sa bibliographie. Mais là n’est pas l’essentiel. Dans une conjoncture aussi exceptionnelle, toutes les conditions étaient réunies pour que se produise et s’achève en Grande Bretagne une révolution trop longtemps contenue par le conformisme des institutions politiques et sociales. Personne n’a cru à la fin du monde mais beaucoup ont espéré la fin du monde. Il apparaît bien que ceux-là ont été déçus et que cette frustration pèsera d’un poids singulier sur le dernier quart de ce siècle.
« Les histoires officielles sur lesquelles ce livre s’appuie, nous confie encore Calder, sont pleines de statistiques piquantes et surprenantes ». Mais n’est-il point lui-même de ces Britanniques dont l’humour s’ingénie à atténuer dans l’ironie, voire le burlesque, la réalité dramatique des situations extrêmes ? ♦