L’art de la guerre
Il y a vingt-cinq siècles, dans la Chine des « Royaumes combattants » était rédigé le premier traité de l’art de la guerre. Sur son auteur, Sun Tzu, l’histoire ne fournit que quelques traits biographiques, et encore sont-ils mêlés à la légende. Originaire du royaume de Ch’i [Qi], il serait passé au service du roi de Wu et en aurait commandé les armées avec un constant succès. Mais son ouvrage, d’une concision toujours perceptible malgré les adjonctions des commentateurs, a été et demeure au centre de la pensée militaire extrême-orientale. Au Japon, où il a été connu au VIIIe siècle de notre ère, il a inspiré, après les guerriers féodaux, les officiers de l’armée impériale, et Pearl Harbour a été une explication de sa maxime fondamentale : « Tout l’art de la guerre repose sur la duperie ».
Au contraire de Clausewitz, Sun Tzu ne voit pas dans la bataille d’anéantissement le sommet de l’art du stratège. Si l’on peut détruire l’ennemi, on se jette sur lui, mais la duperie, c’est-à-dire l’art du mensonge, peut faire mieux encore. Elle peut dénaturer les réflexes de l’adversaire de telle sorte que celui-ci se trouve paralysé : « Ainsi ceux qui sont experts dans l’art de la guerre soumettent l’ennemi sans combat. Ils prennent les villes sans donner l’assaut et renversent un État sans opérations prolongées ». Disciple de Sun Tzu, Mao Tsé-toung écrit lui-même : « Il faut dérouter ceux qui conduisent l’ennemi, les égarer, si possible leur faire perdre la raison »… Depuis 1945, deux éditions de ce livre ont été publiées à Moscou, et l’une d’elles, retraduite en allemand, a été inscrite au programme des écoles militaires de l’Allemagne de l’Est. À sa lecture, et en songeant au rayonnement de la doctrine militaire chinoise, on comprend mieux comment la « duperie », et par conséquent la subversion sont les compléments de toute stratégie nucléaire. ♦