Cet article reprend un rapport présenté au Xe Congrès mondial de l'Association internationale de Sciences politiques (Edimbourg, 16-21 août 1976), dans le cadre du Comité de recherche 11.6 de Sociologie politique. L'article pose la question de la professionnalisation en matière de maintien de l'ordre.
Les forces de maintien de l'ordre en France
Les problèmes de maintien de l’ordre ont pris en France après 1968 une acuité particulière, suscitant discussions et controverses. Pourtant, malgré cette actualité, malgré aussi l’originalité des solutions nationales qui sont, par exemple, sensiblement différentes des pratiques anglo-saxonnes, il s’agit là d’un domaine peu exploré par les chercheurs français (1), ce qui peut s’expliquer par l’ampleur de la matière, son caractère de carrefour, ou bien encore par certaines préventions d’ordre idéologique. Le chercheur qui s’y aventure se trouve confronté à l’ambiguïté de la terminologie ainsi qu’à l’arbitraire des modèles.
Que faut-il entendre par exemple par l’expression « forces armées » ? Doit-on y inclure, à côté des militaires, d’autres catégories de détenteurs des moyens de violence, comme unités para-militaires, milices, police militarisée ? Par ailleurs, certains auteurs anglo-saxons utilisent le concept de « troisième force » ou de « force intermédiaire » sans qu’on distingue bien à partir de quel point de vue ils le définissent. S’agit-il d’une approche de nature organique : les forces intermédiaires seraient différentes à la fois de la police et des « forces armées », ou bien d’une approche fonctionnelle négative : la troisième force serait celle qui aurait des missions différentes de celles assignées à la police et aux « forces armées » ?
Par ailleurs, la notion d’ordre public n’est pas des plus claires et les juristes connaissent bien les difficultés rencontrées pour la définir. De même l’expression « maintien de l’ordre » n’est pas univoque : s’agit-il de maintenir l’ordre au sens technique et policier, de restaurer l’ordre ou même d’imposer un ordre, auquel cas nous glissons vers un problème différent, celui de l’intervention des militaires dans le domaine politique, éventuellement par l’établissement de régimes militaires (2) ?
Il reste 96 % de l'article à lire