La vie de Jaurès
31 juillet 1914. « Un abominable attentat vient d’être commis » dans un café de la rue du Croissant. Jean Jaurès git sur deux tables de marbre, assassiné par un inconnu. Dans les rues de Paris les marchands de journaux annoncent que pour l’Europe « l’heure est critique », que l’on se trouve « au bord du gouffre ». À l’instant où un homme meurt pour en avoir dénoncé l’horreur, le plus meurtrier des conflits que le monde ait connu est sur le point d’éclater. Il en est la première victime.
C’est toute l’histoire de cet homme honnête et bon que nous conte ici Marcelle Auclair. Car cette bête politique, cette rouge terreur des bien-pensants était l’être le plus doux qui fut, un rêveur dont les distractions faisaient sourire, un mari trop tendre, un père trop faible. Mais pour défendre les humbles et les opprimés, il savait, malgré son accent de soleil, faire tonner une voix d’orage.
Avocat des causes perdues, parlementaire irréprochable, il prend parti pour le capitaine Dreyfus, pour le gréviste de Carmaux, son « pays », pour les abusés de l’emprunt russe, pour le piou-piou qui crie « à Berlin » et qui court à la mort.
Ainsi nous apparaît-il comme quelque Socrate socialisant que ni les menaces de bannissement, ni celles de la ciguë ne font renier sa foi. Foi tardive, dira-t-on, entachée de contradictions. Mais quel apôtre n’a jamais douté ?
À qui serait tenté de reprocher à Marcelle Auclair d’avoir traité cette biographie en hagiographie, on répondra que la vie d’un homme politique intègre – il en est peu – et celle d’un saint – il n’en est pas plus – se ressemblent assez pour qu’on ne puisse lui en tenir rigueur. ♦