Dans le tourbillon de l’histoire
Reporter brillant et renommé s’il en fut, Cyrus Sulzberger, fut saisi dès ses débuts vers 1930 par ce « tourbillon de l’histoire » où il allait rencontrer les grands de ce monde aussi bien que les héros obscurs ou les victimes d’un tumulte qui n’était pas encore totalement apaisé lorsqu’en 1954 « il cessa, comme il le dit dans sa postface, d’être reporter pour se transformer en journaliste ».
Une carrière mouvementée et plus d’une fois périlleuse le transporte d’une Europe centrale qui s’effondre sous les coups du nazisme aux Balkans où l’éternelle question d’Orient sème la discorde, à Moscou menacée par l’avance allemande et partiellement évacuée, au Caire pendant la bataille du désert, à Alger, puis au débarquement de Provence, en bref partout où le reporter ardent et alerte qu’il est peut se porter en première ligne pour y saisir l’actualité dramatique.
Dans la seconde partie du livre, qui porte sur l’après-guerre, Sulzberger nous donne des extraits de son journal personnel, groupés par grandes questions : « Deux naissances : République fédérale d’Allemagne et Autriche » ou « Grande-Bretagne et Scandinavie », « Le déclin de Churchill » ou encore « l’URSS et ses satellites », etc.
Du général Eisenhower auquel il fut très lié, il nous laisse un portrait particulièrement bien venu, nous le montrant dans le chapitre « La guerre froide et ses conséquences » comme un chef militaire honnête et perspicace, un stratège avisé et un homme politique pondéré. Il nous fait vivre, dans l’intimité du Commandant suprême, les journées au cours desquelles a mûri sa décision d’être candidat à la présidence des États-Unis.
De tant d’épisodes, de tant de personnages, de tant de scènes décrites d’une plume alerte, marquées d’un humour sympathique, dans un style brillant, caractéristique du journalisme américain de bon aloi et dont il faut bien reconnaître que la traduction en français est particulièrement difficile et ne restitue pas toujours la saveur, le lecteur retiendra la parfaite honnête et la sincérité de ce prince du journalisme qui, en nous livrant ce « Long row of candies » – car tel est le titre américain de son livre – apporte une contribution importante à l’Histoire contemporaine. ♦