Un empire perd espoir
Anatole Shub est un journaliste américain qui a « couvert » pendant près de 10 ans, de 1960 à 1969, les pays de l’Est Européen pour le compte d’un journal à grand tirage d’outre-Atlantique. Son optique s’en ressent, comme la valeur de son témoignage, qui porte plus sur ce qui est susceptible de frapper l’imagination des lecteurs américains, que sur le « quotidien » un peu terne qui forme cependant, en fait, la vraie trame de la vie des gens.
Les observations de l’auteur portent surtout sur les milieux appartenant à la nouvelle intelligentzia, en Russie et dans les pays satellites. La mort de Staline et le « libéralisme » quelque peu brouillon de Krouchtchev avaient fait naître chez des intellectuels, et surtout chez les écrivains, l’espoir d’un retour prochain à une certaine liberté d’expression. La thèse d’Anatole Shub est que cet espoir a été cruellement déçu et que l’équipe Brejnev gouverne fermement vers un renouveau de la censure et plus généralement de l’oppression stalinienne.
Le grand intérêt du livre se trouve dans la place faite, à côté de l’URSS, aux autres pays communistes européens. Le processus du désenchantement qui les a gagnés de proche en proche est clairement expliqué. L’auteur semble avoir bien connu les milieux littéraires et scientifiques de ces pays et s’est, en tout cas, intéressé de très près à leurs réactions. Il est à craindre que les arbres l’aient empêché de voir la forêt. Ses observations, pour intéressantes qu’elles soient, nous ont paru systématiquement politisées. Il était peut-être difficile de faire autrement s’agissant d’un problème essentiellement politique comme l’est, dans tous les pays, la liberté d’expression. Quoi qu’il en soit, le livre d’Anatole Shub est une contribution non négligeable à une meilleure connaissance de la vie intellectuelle de l’Europe de l’Est. ♦