L’Eurodollar
Tous gouverneurs ou gouverneurs-adjoints de banques centrales, à l’exception de deux universitaires, Milton Friedman (de l’Université de Chicago) et Charles Kindleberger (du Massachusetts Institute of Technology, MIT), seize spécialistes présentent un phénomène qui, depuis les premières manifestations de la crise monétaire, surprend et inquiète : le rôle de l’eurodollar.
Depuis dix ans, le marché de l’eurodollar est sorti de l’ombre pour se voir attribuer une place de premier rang dans le domaine des finances nationales et mondiales. Cette montée soudaine et imprévisible n’a pas de précédent dans l’histoire financière moderne. Mais aux yeux du profane, ce marché de l’eurodollar s’apparente au cabinet du Dr Cagliostro, et relève de la magie financière. Par quel mystère ce marché sans frontière peut-il multiplier les signes monétaires en circulation sans jamais pour autant se concrétiser en une monnaie palpable ? C’est que les eurodollars sont des dépôts libellés en dollars, faits auprès des banques commerciales situées hors des États-Unis. Ils ne constituent pas une monnaie, et tout ce qu’ils ont de « monétaire » ils l’empruntent au dollar. Mais ils servent d’instrument de réserve, et voguent au gré des possibilités de la spéculation. En 1969, la France, l’Italie, la Belgique, les Pays-Bas, le Canada et les États-Unis décidèrent de limiter l’accès de leurs banques au marché de l’eurodollar.
Cette génération spontanée de dollars invisibles est ici étudiée dans ses divers aspects, qu’il s’agisse de sa place dans le système monétaire international et dans le marché des changes, de l’attitude des banques américaines et européennes, de l’intervention des banques centrales, etc. Cet effort d’analyse et d’explication était d’autant plus nécessaire que, dans le courant de l’été 1971, le montant des dollars négociés sur ce marché s’élevait à 57 milliards, attestant une progression vertigineuse depuis 1965. Cette croissance d’un marché que les autorités ne peuvent que très difficilement contrôler a soulevé de délicats problèmes concernant la politique monétaire, les balances des paiements, et même la stabilité du système financier international – à tel point que l’on a pu parler, pour l’Europe, du « cancer des eurodollars ». Au moment où l’on s’interroge sur les fondements d’un nouveau système monétaire, où la livre sterling renonce à son statut international, où les Européens s’efforcent de bâtir une union monétaire, ce livre est précieux – d’autant que l’on ne supprimera pas ce marché de l’eurodollar. ♦