Le communisme polonais – 1918-1971. Gomulka et sa succession
L’un des derniers venus de la série « L’Histoire immédiate » dirigée aux Éditions du Seuil par Jean Lacouture, ce livre n’est pas exempt de certaines faiblesses inhérentes à cette collection qui voudrait imposer à l’actualité, domaine du reportage, l’optique de l’histoire, exigeant maturité et réflexion.
L’artifice est ici particulièrement apparent. Il y a deux ans, un excellent spécialiste anglais, Nicholas Bethell, faisait paraître à Londres, sous le titre Gomulka, His Poland and his communism [Gomulka, Sa Pologne et son communisme] une étude – du genre « portrait », plutôt que biographique – consacrée au dictateur de la Pologne alors au faîte de sa puissance. Les révoltes ouvrières de décembre 1970 et la chute de Gomulka conférèrent à cette étude un regain d’intérêt. Mais, par contrecoup, elle ne pouvait plus être située dans « l’immédiat ». D’où, semble-t-il, l’idée, pour satisfaire aux ambitions de la collection, d’une sorte de remake (confié d’ailleurs à un connaisseur très averti des questions polonaises, Georges Mond) qui déséquilibre quelque peu la conception initiale de l’ouvrage. Le changement du titre, l’adjonction d’une préface et d’une postface, l’introduction de différentes mises à jour pratiquées de-ci de-là, ont en effet inévitablement entraîné certaines dissonances que ne comportait évidemment pas le texte primitif.
Qu’on apprécie ou non ces manipulations, le livre documenté et objectif qui en est le résultat retiendra à bien des égards l’attention. Il décrit avec beaucoup de précision le fonctionnement du système politique connu sous le nom de démocratie populaire, ainsi que le rôle de son principal rouage qui est l’appareil du parti unique. Il montre comment ce système a pu être imposé à une nation qui lui était traditionnellement et presque viscéralement hostile et comment celle-ci sut s’y adapter dans l’espoir de préserver l’originalité de sa culture et le principe, sinon la réalité, de son indépendance. Mais surtout, il présente avec beaucoup de talent au public occidental un homme politique mal connu, et d’ailleurs difficile à pénétrer, qui a joui en Pologne d’une immense popularité dans la mesure où il a mené une politique d’inspiration nationale, mais qui a perdu toute audience du jour où il parut, peut-être à tort, placer les intérêts du Parti au-dessus de ceux de son pays.
Quoi qu’il en soit, le « gomulkisme » a mis la Pologne sur une orbite politique originale qu’elle n’est peut-être pas près de quitter malgré la mise à l’écart de son inspirateur. ♦