De Gaulle vivant
Depuis la mort du général de Gaulle on ne compte plus le nombre d’études, politiques, historiques, philosophiques, psychologiques, littéraires… qui sont venues compléter les rayons, cependant déjà abondamment garnis, réservés dans nos bibliothèques à la littérature gaullienne. Malgré cette abondance, les tirages de la plupart de ces ouvrages restent considérables : plus de 50 000 exemplaires pour celui qui nous occupe, quelques semaines seulement après sa parution et malgré la concurrence. Cela tient évidemment aux dimensions historiques du personnage évoqué et à l’intérêt passionné qu’il a suscité dans tous les milieux en France et dans le monde. Mais la qualité et le sérieux de la plupart des témoignages ne sont pas non plus étrangers à cet exceptionnel succès de librairie.
L’intérêt du livre de Louis Terrenoire tient à l’originalité de son propos. Bien qu’ayant approché de très près le général de Gaulle, comme secrétaire général du Rassemblement pour la France (RPF) de 1952 à 1954, comme ministre (de l’information de 1960 à 1961 puis délégué des relations avec le Parlement de 1961 à 1962) et parfois comme confident, ce n’est pas l’action politique du résistant de Londres, du chef du RPF ou du président de la Ve République qui retient son attention, mais bien plutôt les motivations de l’homme et le cheminement de sa pensée. La chronologie des événements et ces événements eux-mêmes sont supposés connus du lecteur et le livre ne contient aucune « révélation » à leur sujet. Par contre il consacre d’importants développements aux différentes explications qu’on a pu imaginer – ou, que Louis Terrenoire tient pour certaines – de tel acte de gouvernement du Général ou de telles de ses déclarations sur les problèmes de l’heure ou sur le sens des évolutions historiques. Ces explications sont étayées par de très nombreuses citations empruntées aux commentateurs les plus divers – admirateurs passionnés du général de Gaulle ou opposants de tous bords – journalistes, historiens, juristes ou hommes politiques. L’érudition de Louis Terrenoire en matière d’exégèse gaullienne est surprenante et l’abondance des opinions qu’il examine et confronte donne bien la mesure de ce bouillonnement d’idées que provoquait parmi l’intelligentsia française et internationale la moindre intervention du général de Gaulle.
Inutile de dire que les opinions personnelles de l’auteur sont celles de l’orthodoxie gaulliste la plus stricte. Fort honnêtement, il en prévient le lecteur dès les premières lignes. Mais son livre peut être lu avec profit par les hérétiques et les incroyants, s’ils s’interdisent, comme le fait Louis Terrenoire, tout sectarisme. ♦