La vie, la guerre et puis rien
Ce long reportage sur la guerre du Vietnam en 1967-1968 est une méditation sur la mort. Il frappe par l’intensité des descriptions, la précision avec laquelle sont reconstituées les scènes de guerre ; mais ce n’est pas là l’essentiel. L’auteure, journaliste italienne, insiste moins sur les récits que sur la signification de cette absurdité permanente qu’est la mort donnée, reçue, dans une indifférence, une routine, une fatalité mécanique qui la banalise sans la rendre moins odieuse ; une mort renouvelée sans que le monde s’en émeuve, qui ne s’exprime que par des chiffres lus distraitement dans un journal et vite oubliés, et qui pourtant est vécue par ceux qu’elle frappe dans la souffrance ou dans l’étonnement naïf. Aucune anecdote ne prête à sourire ; tout au long de cet épais volume, il n’y a pas un moment de détente ; aucune description de ces explosions de joie qui pourtant saisissent les combattants parfois, parce qu’ils sont jeunes et ont besoin de rire.
Oriana Fallaci, comme la très grande majorité des correspondants de presse occidentaux, vit dans le camp américain ; ses sympathies vont à l’autre camp. Elle constate pourtant des deux côtés la même brutalité. Aussi s’interroge-t-elle sur la nature de l’homme et recourt à Pascal pour trouver un guide. Témoin lucide, cependant désemparé devant le déchaînement des passions, elle aboutit à cette conclusion que « la vie, c’est une condamnation à mort », ce qui serait sans originalité en dehors du contexte dans lequel se situe sa découverte désespérée.
Ce livre est beau et mérite la lecture. Il dépasse largement les événements auxquels il se réfère et offre beaucoup plus qu’un simple témoignage de guerre. ♦