Sécurité américaine et paix mondiale
Emporté par le ton vif et parfois passionné de l’auteur, on lira ce livre, remarquablement traduit, d’un seul trait. L’idée est toujours claire, l’expression fréquemment heureuse et frappante : c’est une belle plaidoirie d’une cause qui n’avait peut-être pas besoin d’être tellement défendue. L’ancien Secrétaire à la Défense des administrations Kennedy et Johnson a voulu expliquer et justifier l’œuvre qu’il a poursuivie pendant sept ans ; désir légitime, qu’il a rempli en rassemblant dans un texte suivi les extraits de ses discours et de ses rapports, mais nullement en rédigeant des « Mémoires ». C’est ce qui donne à cet ouvrage au souffle tout particulier.
Dans la préface, il résume sa politique et son action en sept points : sécurité collective et non-isolationnisme ; maintien d’une capacité de dissuasion nucléaire effective ; choix de la riposte élastique en lieu et place des représailles massives ; intervention personnelle du Secrétaire d’État dans la direction de la Défense, et non-cantonnement dans un rôle d’arbitre ; adoption de méthodes modernes de gestion pour obtenir une plus grande productivité ; participation des Forces armées à la solution de problèmes sociaux du pays ; conviction que la Défense repose davantage sur des systèmes politiques et économiques stables que sur la puissance militaire.
Ce sont ces thèmes qui sont développés dans le texte sous une forme nullement systématique, chaque chapitre en exposant certains aspects. Dans cette courte analyse, il serait vain de vouloir résumer ou même indiquer les sujets abordés par l’auteur. Nous en signalerons seulement quelques-uns, en raison de l’intérêt qu’ils présentent sur le plan général et du point de vue français.
Le premier est l’affirmation que le Maghreb est, avec le Bosphore, une région tout particulièrement importante pour la stratégie américaine. Le deuxième, que l’auteur estime peu probable, parce que sans doute techniquement impossible, une attaque massive et rapide des forces conventionnelles soviétiques sur l’Europe occidentale, sans que les membres de l’Otan aient eu le temps de voir venir la menace et de prendre leurs dispositions en conséquence. Les Russes, d’après Robert McNamara, ne peuvent disposer immédiatement que de « leurs 22 petites divisions stationnées en Allemagne de l’Est ». Il en résulte que la défense de l’Europe occidentale est parfaitement possible, si les États directement intéressés savent entraîner leurs forces et monter un système adéquat de mobilisation des réserves. Le troisième point est l’importance de l’éducation pour la Défense, et l’insuffisance de celle qui est dispensée à la jeunesse des pays européens en raison des méthodes traditionalistes de l’enseignement. Le quatrième enfin porte sur les résultats acquis aux États-Unis pour instruire les recrues les moins bien préparées, pour leur fournir une bonne formation professionnelle, pour les aider à trouver un travail stable et honorable dans la vie civile, surtout lorsqu’il s’agit des Noirs que les conditions de vie défavorisent.
On voit aisément que ce livre assez court apporte au lecteur une large matière. Il nous semble important que chacun le lise. ♦