L’arrogance du pouvoir
Il est regrettable que la traduction française de cet ouvrage ne paraisse que deux ans après sa publication aux États-Unis. En effet, les thèses du Sénateur Fulbright sont maintenant connues en tout ce qui concerne les principaux problèmes internationaux, au premier rang desquels celui du Vietnam. Certes, il n’est pas sans intérêt de pouvoir les relire, groupées et ordonnées dans un ensemble cohérent. Mais l’attention se portera davantage sur la philosophie de l’auteur que sur les prises de position qui l’illustrent.
L’arrogance du pouvoir, c’est l’irrésistible attraction exercée par la violence sur ceux qui possèdent la force. L’auteur écrit lui-même que l’expression française rend mieux son idée, « le vertige du pouvoir » (on se demande d’ailleurs pourquoi le traducteur ne l’a pas adoptée). Car il s’agit en effet d’un vertige auquel il est difficile d’échapper et qui demande, pour être contrebattu et dominé, une grande force d’âme et un raisonnement froid. En somme, l’aptitude à conserver du bon sens au milieu des difficultés et des griseries des grandes affaires nationales et internationales. Ce bon sens peut parfois sembler terre à terre. Bien souvent, le lecteur se prend à penser, au fil de ces pages, qu’elles contiennent beaucoup d’affirmations évidentes et de raisonnements simples. Mais les évidences ne sont des évidences, et les raisonnements simples ne sont simples que pour ceux qui n’ont pas la responsabilité, non plus que la puissance, pour ceux que n’atteint aucun vertige et que ne pousse aucune arrogance.
Le Sénateur Fulbright propose aux Américains de savoir dominer leur force colossale, de ne pas se croire les seuls détenteurs de la Vérité, d’être capables de charité et de compréhension. Car de leur comportement dépend la paix du monde. Appel pathétique déjà souvent lancé et rarement entendu… ♦