Conférence prononcée par l'auteur, ministre des Affaires étrangères, devant les auditeurs de l'Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) le samedi 4 février 1978.
Trois aspects de la politique étrangère de la France : Défense, Détente, Désarmement
La France a une politique étrangère. Pour les Français, comme pour les partenaires de la France, c’est l’évidence. Mais dans le monde actuel, c’est l’exception. Cette politique résulte de choix clairs :
– l’exigence de l’indépendance nationale, fondée sur l’autonomie de notre défense ;
– la fidélité aux solidarités internationales ;
– la volonté d’assumer nos responsabilités et de relever les défis du monde actuel.
Ils sont cohérents car les différentes composantes en sont indissociables :
– sans indépendance de nos moyens militaires, il n’est pas d’indépendance politique possible ;
– sans indépendance politique, il n’est pas de dialogue, que ce soit avec les égaux, les plus puissants ou les plus petits ;
– sans capacité à dialoguer, il n’est pas de contribution à la solution des problèmes d’un monde de plus en plus complexe et de plus en plus interdépendant.
Le choix du Gouvernement n’est donc pas celui de la facilité. Nous vivons dans un monde dur, troublé, caractérisé de manière croissante par l’insécurité des États et des peuples, la crise économique, le désordre monétaire, le déséquilibre entre riches et pauvres, les revendications et les réajustements économiques qu’il suscite.
Pour atteindre les objectifs ambitieux qu’elle s’est assignés, la France dispose d’atouts importants : sa puissance économique et industrielle ; la diffusion de sa langue et le rayonnement de sa culture ; sa qualité de puissance nucléaire militaire et civile et le niveau où se situe sa technologie dans ce dernier domaine, son statut de membre permanent du Conseil de Sécurité des Nations Unies, qui lui confère une responsabilité particulière pour le maintien de la paix dans le monde et donc un droit et même un devoir de ne pas rester indifférente devant des situations de crise.
Mais à elles seules, ces cartes, dont dispose la France dans le jeu international, ne seraient pas suffisantes. Il faut aussi la volonté du Gouvernement et l’adhésion des Français sans laquelle rien de durable ne peut être construit. Or, celle-ci ne peut être obtenue sans que les options soient clairement établies :
– on ne peut vouloir l’indépendance de la France et refuser les moyens de sa défense ;
– on ne peut vouloir la détente et accepter que les relations Est-Ouest demeurent perçues et gérées en termes de rapports de bloc à bloc ;
– on ne peut vouloir le désarmement et refuser de considérer le monde tel qu’il est, c’est-à-dire un monde qui ne peut être sans arme, un monde où les nations ont droit à la sécurité et où les facteurs d’instabilité sont différents selon que l’on considère les zones couvertes par la dissuasion et les autres régions du monde non nucléarisées.
Défense
Être indépendant, c’est d’abord être en mesure d’assurer soi-même la défense du pays.
Tel a été le sens des choix décisifs effectués il y a plus de dix ans par le général de Gaulle pour doter la France :
– d’une défense crédible (constitution d’une force de dissuasion nucléaire indépendante) ;
– d’une défense autonome (la liberté de décision en ce qui concerne l’engagement de nos forces, ce qui exclut leur intégration sous commandement étranger, d’où notre sortie de l’Organisation militaire intégrée).
Ces options fondamentales, le Gouvernement les a respectées. Nos moyens nucléaires ont été perfectionnés, qu’il s’agisse des armes stratégiques ou tactiques. Parallèlement, nos forces conventionnelles se modernisent. La loi de programmation militaire adoptée par le Parlement témoigne de l’acceptation par la nation de l’effort entrepris par le Gouvernement.
Ces choix n’ont pas toujours été acceptés ou compris à l’intérieur comme à l’extérieur. Je pense qu’ils le sont largement aujourd’hui :
– en France, la reconnaissance et la nécessité d’un effort important et continu, notamment dans le domaine du nucléaire, afin de maintenir la crédibilité de notre dissuasion face à l’évolution quantitative et qualitative des systèmes stratégiques des autres puissances : l’indépendance inaliénable de nos moyens militaires ; le caractère irréversible de notre retrait de l’Organisation militaire intégrée, ne sont pas remis en cause par la majorité des Français.
– à l’extérieur, les grandes puissances, et notamment Américains et Soviétiques, reconnaissent la crédibilité de nos moyens nucléaires. Il est admis par nos Alliés que celle-ci constitue un élément important de l’équilibre dissuasif en Europe – comme cela a été explicitement reconnu à l’occasion de la déclaration d’Ottawa de juin 1974.
De même que la dissuasion ne vaut que par la crédibilité de la riposte aux yeux de l’adversaire potentiel, de même il est essentiel que la volonté d’un pays de maintenir son indépendance soit clairement perçue par l’ensemble de ses autres partenaires internationaux.
Aussi, l’une des tâches du ministre des Affaires étrangères et de son département est de suivre et d’évaluer la manière dont l’évolution de l’environnement international peut influer sur notre sécurité et sur notre défense.
Cette évaluation, de nature politique, est d’autant plus nécessaire que le fait nucléaire a donné au jeu qui consiste à utiliser les armes diplomatiquement sans les utiliser militairement, une importance sans commune mesure avec celle qu’il avait autrefois. Il a naturellement accru considérablement les périls de ce jeu de la guerre et de la paix. Il lui a conféré un caractère abstrait qui en rend l’interprétation de plus en plus difficile et qui risque de l’éloigner de la réalité internationale. La dissuasion, à l’instar du jeu d’échecs, consiste à envisager des séquences dont l’adversaire mesurera les risques pour ses propres intérêts. Le but même de la dissuasion est d’éviter que se termine une partie dont l’issue ne pourrait être que suicidaire. Alors que les spécialistes progressent dans un univers dialectique à eux seuls compréhensible, les politiques et les opinions publiques ont souvent peine à ajuster leur perception.
Il est donc essentiel de veiller à la cohérence entre les concepts stratégiques et leurs implications au niveau des perceptions internationales ; le militaire et le diplomate doivent plus que jamais coopérer étroitement pour que la doctrine de défense s’intègre dans la stratégie politique du pays.
Pour le militaire, il s’agit d’abord d’éviter tout risque de conflit, y compris les moins probables, à partir du moment où ceux-ci sont possibles (c’est ce que les anglo-saxons appellent worst case hypothesis), et si celui-ci s’est produit, de faire en sorte qu’il se termine le moins mal possible dans le pays.
Le diplomate est davantage concerné par la perception qu’ont les adversaires éventuels de la posture stratégique de son pays et des répercussions qu’une telle perception du rapport des forces peut exercer sur l’évolution des rapports internationaux.
La combinaison de ces deux approches pose un problème permanent. Actuellement, la pensée stratégique tend à l’analyse des règles de conduite de la guerre nucléaire. D’où l’importance attachée à l’étude des scénarios de guerre nucléaire limitée, à l’examen du problème de la vulnérabilité à une première frappe, des capacités anti-forces et aux modèles mathématiques d’échanges nucléaires.
Or, si cette approche est légitime en termes de stratégie pure, elle soulève des difficultés évidentes au niveau des perceptions diplomatiques :
– d’une part, elle présuppose que le « partenaire-adversaire » soviétique adhère au même schéma conceptuel ou qu’il puisse être converti à la rationalité américaine. D’où l’affirmation fréquente, par les spécialistes américains, que le processus des S.A.L.T. est au moins aussi important par ses vertus de « séminaire stratégique permanent » que les réductions réelles auxquelles il tend. Mais il est aisé de voir que la contrepartie d’une telle approche est le risque d’une perception erronée des politiques et des opinions. Comme le montre d’ailleurs le débat actuel aux États-Unis sur l’ampleur et les motivations de l’effort quantitatif et qualitatif déployé par l’U.R.S.S.
– d’autre part, une telle analyse purement conceptuelle tend à faire passer au second plan les répercussions qu’un tel dialogue permanent peut avoir au niveau des opinions européennes.
En effet, les S.A.L.T. ne sont pas seulement une négociation d’« arms-control ». Elles sont perçues comme un élément du rapport des forces entre les États-Unis et l’U.R.S.S.
Or, la tendance à une évolution asymétrique des arsenaux stratégiques des États-Unis et de l’U.R.S.S. est appelée à se poursuivre au cours des prochaines années.
Les Américains avaient accepté en 1972 une disparité en termes de nombre de vecteurs au profit de l’U.R.S.S., celle-ci étant compensée par leur supériorité technologique. Au fur et à mesure que l’U.R.S.S. rattrape son retard au niveau de la précision des engins et de la capacité à « mirver » ses plus gros missiles, la vulnérabilité des silos américains s’accroît.
Sur le plan technique, il ne fait pas de doute que les États-Unis sont d’ores et déjà en mesure de compenser cette supériorité de la capacité d’emport des missiles soviétiques par le développement de systèmes nouveaux assurant le maintien de la capacité de survie des éléments de riposte américains (missiles de croisière qui permettent de prolonger les vieux bombardiers stratégiques B. 52, sous-marins nucléaires dotés d’une autonomie de plus en plus importante, ou projets de déploiement de missiles terrestres mobiles).
Mais, ce que nous devons donc considérer, c’est l’impact politique d’une telle évolution.
Il va de soi – et je souhaite qu’il n’y ait évidemment aucune équivoque sur ce point – que les concepts de défense de la France ne sont pas ceux de l’Organisation intégrée. En particulier, nous ne souscrivons pas à la doctrine de la riposte graduée. Il est néanmoins important que nous soyons informés et étudiions les implications des concepts développés chez nos partenaires et alliés, car ceux-ci ne peuvent pas ne pas avoir de répercussions sur les perceptions politiques au niveau des responsables et des opinions publiques de ces pays.
Pour nos partenaires – et en premier lieu pour la République fédérale d’Allemagne – c’est la crédibilité de l’engagement de l’ensemble des moyens nucléaires américains, y compris donc les systèmes centraux, qui assure la sécurité de l’Europe occidentale. Nous ne rejetons pas cette analyse : nous insistons sur un élément additionnel : l’existence et le maintien d’une force nucléaire française indépendante, non seulement nous donne la certitude de pouvoir dissuader toute menace contre nos intérêts vitaux, mais, en outre, elle contribue à renforcer la dissuasion globale de l’alliance.
Il se trouve actuellement des experts et des hommes politiques pour affirmer – à tort selon nous – que les S.A.L.T. conduiraient à une neutralisation réciproque des systèmes centraux qui rendrait de moins en moins probable leur engagement. La bataille nucléaire serait alors limitée à l’Europe. D’après ces mêmes interprétations, il conviendrait donc que l’équilibre fût rétabli au niveau inférieur, c’est-à-dire « eurostratégique ». (C’est ainsi qu’à l’inquiétude engendrée par le déploiement du missile SS 20 répondrait le désir de rechercher une solution soit militaire – ce serait le missile de croisière – soit diplomatique, qui serait la négociation « eurostratégique »).
Quelle réponse les États-Unis envisagent-ils d’apporter à ces préoccupations de leurs Alliés de l’O.T.A.N. ?
– En fait, essentiellement, une réponse militaire : poursuivre un effort ancien en vue d’élever le seuil nucléaire par le renforcement de la capacité conventionnelle des forces alliées. Toutefois, qu’il s’agisse des nouveaux systèmes d’armes de précision (PGM) ou des moyens classiques, ni la situation économique de l’Europe, ni sa capacité à financer le type de budgets militaires que ces options présupposent, ni l’attitude du Congrès des États-Unis ne permettent d’espérer que puisse être atteint aisément l’équilibre avec les forces du Pacte. Face à la surcapacité conventionnelle de l’Est, le nucléaire continue de constituer l’élément dissuasif irremplaçable.
– Sur le plan diplomatique, les formules avancées sont plus floues. Pour certains, cette situation devrait conduire à imaginer un « engrenage » entre les S.A.L.T. et les M.B.F.R. Pour d’autres, il s’agirait d’envisager une négociation qui ne concernerait que les moyens de portée intermédiaire.
Nous considérons que ces approches sont dangereuses. L’approche fondée sur le concept d’équilibre « eurostrategique » suppose qu’il puisse exister un équilibre séparé pour les moyens nucléaires affectés au théâtre européen et isolé des autres éléments de la dissuasion. Il conduit au « découplage » que l’on s’efforce précisément d’éviter, c’est-à-dire qu’il équivaudrait à reconnaître que les forces stratégiques centrales des États-Unis ne couvrent pas l’Europe occidentale.
D’autre part, sur le plan technique, la délimitation entre ce qui est « eurostrategique » ou « zone grise » et ce qui est stratégique est sujette à toutes les controverses et les incertitudes.
Un seul sous-marin stratégique soviétique ou américain suffit à bouleverser cet hypothétique équilibre.
C’est dans ces conditions que nous avons été amenés, à l’occasion notamment de la visite du Président Carter, et en plein accord avec celui-ci, à réaffirmer la continuité du concept de dissuasion.
Détente
C’est parce qu’elle avait les moyens d’assurer sa sécurité et qu’elle n’était inféodée à aucun bloc que la France a pu, la première, engager le processus de détente et de relâchement des tensions en Europe et nouer avec chacun des pays de l’Est de nouvelles relations rompant avec des années de guerre froide.
Nous avons de la détente une conception réaliste, volontaire et exigeante :
– réaliste : Nous savons que les barrières, les divisions, les oppositions idéologiques, militaires ou politiques, ne disparaîtront pas du jour au lendemain.
– volontaire : La lenteur du processus, les interrogations qu’il suscite, ne doivent pas faire oublier les progrès enregistrés dans les rapports Est-Ouest, sur le plan politique comme sur le plan humain. On prend conscience aujourd’hui de la portée de l’Acte Final d’Helsinki.
– exigeante : La détente ne doit pas s’effectuer entre les blocs, mais entre des États. Elle doit concerner non seulement les États, mais aussi les hommes. Elle doit s’accompagner d’une certaine tolérance idéologique. Elle doit enfin être globale et ne pas se limiter au continent européen.
Il s’agit en d’autres termes de tirer les conséquences du fait que le monde a cessé de s’identifier aux superpuissances et aux deux blocs constitués autour d’elles.
Nous avons donc de la détente une conception propre. Nous ne considérons pas en particulier qu’il s’agisse de la manifestation d’un nouveau rapport de forces historiquement favorable aux pays socialistes. Nous ne pensons pas non plus, comme certains aux États-Unis, qu’à la menace de guerre, conjurée par la négociation stratégique permanente entre les deux superpuissances, s’est désormais substitué le risque d’un chaos mondial généralisé, vis-à-vis duquel les Soviétiques auraient automatiquement le même intérêt que les États-Unis à empêcher que s’instaure une situation qui ne serait plus maîtrisée par les deux Grands. L’Amérique demeurerait selon cette conception le principal facteur de stabilité dans un monde qui n’est pas encore ou qui n’est plus véritablement bipolaire (l’U.R.S.S. étant considérée comme une puissance incomplète), ni multipolaire (les nouvelles puissances régionales n’ayant pas émergé tandis que l’Europe n’en finit pas de se faire).
Quelle est dans ces conditions la vision qu’a la France d’un système international en évolution et comment se situe-t-elle par rapport à ce dernier ?
Je ne livrerai là qu’un élément de réflexion personnel. Je pense en premier lieu que la France se situe à la charnière de plusieurs groupes de pays dont le rôle et la contribution sont essentiels à la solution des deux grands types de crises et de défis contemporains :
– d’abord, les questions qui, en raison de leur nature (rapports avec les pays de l’Est, S.A.L.T., désarmement) ou en raison de leurs implications (Moyen-Orient, stabilité de l’Afrique), doivent continuer à être envisagées dans un cadre Est-Ouest. Elles mettent en cause un certain type de rapports avec l’Union Soviétique ;
– ensuite, les problèmes globaux (non-prolifération ; désordre des échanges et des monnaies ; équilibre énergétique mondial ; rapports Nord-Sud) pour lesquels la contribution de l’Union Soviétique est souhaitable, mais jusqu’ici, sauf pour la prolifération, ni importante, ni décisive.
Nous estimons en effet que l’équilibre international ne se jouera pas dans les prochaines années sur le seul échiquier traditionnel des rapports Est-Ouest où les deux super-puissances détiennent les pièces maîtresses, mais à des niveaux et en fonction de partenaires différents suivant la nature des problèmes.
Je suis en second lieu préoccupé par le fait que le processus de détente puisse ne concerner que l’Europe et non également les autres zones de tensions dans le monde. Affirmer que la détente doit être globale c’est dire aussi qu’elle est indivisible.
Je pense plus particulièrement à l’Afrique, où l’action des Soviétiques est souvent apparue comme un facteur de déstabilisation préoccupant. Si leur intervention en Éthiopie dépassait certaines limites, elle serait de nature à remettre en cause l’équilibre de cette partie du continent et peut-être même à affecter celui du Moyen-Orient pétrolier.
Désarmement
C’est cette même volonté de considérer le monde tel qu’il est, et non comme on souhaiterait qu’il fût, qui caractérise notre approche dans le domaine du désarmement.
Vous connaissez la déclaration que vient de faire le Président de la République et qui expose de manière détaillée les concepts qui fondent notre approche. Il ne s’agit donc pas d’un plan français mais de la présentation cohérente d’une doctrine qui inspirera nos propositions détaillées et nous permettra d’aborder de manière réaliste et positive la session spéciale de mai prochain à New York.
Les négociations sur le désarmement ont été décevantes et vaines car l’ambition des négociateurs – sans qu’il soit question de mettre en doute leur sincérité – n’étaient pas réalistes.
Une première approche s’exprimait par des formules utopiques : à la limite, les imaginations concevaient un univers irénique, sans arme. Mais il était évident que le recours à la violence dans les relations entre les États ne disparaîtrait pas par la seule venue de projets généreux tandis que disparaîtrait pour les plus faibles et les moins forts le droit à la sécurité.
Une seconde approche, celle des super-puissances, a fait du C.C.D. (1) à Genève une Chambre d’enregistrement des décisions communes à l’U.R.S.S. et aux États-Unis. Ces activités appellent le jugement de Pascal : « on a fait que ce qui est fort fut juste ». Notre ambition doit donc être que ce qui est juste soit fort.
Cet échec du désarmement a eu plusieurs conséquences :
– pour la France (et pour la Chine), un refus de cautionner des tentatives soit utopiques, soit cyniques (propagande), soit abusives (blanc-seing donné aux super-puissances) ;
– pour une grande majorité des pays du Tiers Monde et des puissances moyennes, la désillusion et le scepticisme à l’égard du désarmement.
C’est la raison pour laquelle la France – qui a une longue tradition d’initiatives dans ce domaine et qui ne peut s’en désintéresser (membre permanent du Conseil de Sécurité ; elle est parmi les quelques nations qui comptent sur le plan militaire dans le monde) – propose une démarche totalement nouvelle qui se veut réaliste et qui, de ce fait. prend un caractère itératif : l’effort doit viser à déterminer les facteurs d’instabilité essentiels tels qu’ils existent dans le monde tel qu’il est et à les éliminer progressivement. Une nouvelle configuration du système international apparaîtra qui contiendra à son tour des facteurs déstabilisants qu’une autre série de mesures devrait supprimer. De proche en proche, une plus grande sécurité sera instaurée et des progrès nouveaux deviendront possibles surtout si le mouvement est aidé par des initiatives dans le domaine politique.
Il s’agit donc d’aboutir à une plus grande sécurité pour l’ensemble des nations par élimination graduelle des facteurs d’instabilité. C’est à partir d’une sécurité ainsi mieux établie que des perspectives plus ambitieuses dans le domaine du désarmement ne relèveront pas de l’utopie.
Nous souhaitons en effet apporter une contribution qui soit à la fois spécifique à notre pays et qui soit utile aux débats de la prochaine session spéciale des Nations-Unies.
Celle-ci aura en effet une grande importance internationale et un retentissement certain, en particulier auprès d’un grand nombre de pays pour qui l’Organisation de New York demeure le principal forum où ils puissent s’exprimer sur la scène internationale.
Dans un monde à la fois surarmé et encore largement en voie de développement, l’ampleur des sommes gaspillées à l’occasion d’une course aux armements qui n’apporte même pas une sécurité accrue crée les conditions d’une aspiration réelle au désarmement.
Mais le désarmement ne signifie pas le renoncement à la sécurité et donc à la capacité à assurer sa défense et son indépendance. Nous avons tenu à le dire à l’occasion de notre prise de position. L’écho que celle-ci a recueilli nous a confirmé qu’il s’agissait là d’un principe dont on nous savait gré de l’avoir réaffirmé sans complaisance et avec réalisme. Ce n’est pas un hasard si le même Conseil des Ministres qui a affirmé notre nouvelle doctrine a également examiné notre politique de défense.
Je concilierai en soulignant qu’il n’est pas fatal que l’humanité marche en aveugle vers un destin qui serait celui de son anéantissement. Dans le monde nouveau et dangereux que le fait nucléaire a fait apparaître, l’affirmation de soi demeure possible et reste nécessaire au développement équilibré des relations entre États. ♦
(1) N.D.L.R. : le Comité de la Conférence du désarmement.