Le Canada français après deux siècles de patience
Un jeune professeur canadien français parle de son pays et des problèmes qui s’y présentent, avec une telle conviction, une telle passion et souvent une telle émotion qu’il captive et empoigne le lecteur. Celui-ci voit le Canada français, non plus du dehors ou sous son aspect folklorique, non plus sous les traits austères d’une description à base d’économie et de chiffres, mais dans les violents remous de son âme, au moment où il veut s’affirmer et maintenir sa civilisation propre dans une Amérique du Nord anglo-saxonne.
C’est là sans doute le caractère le plus frappant de cet ouvrage dense et pourtant clair en même temps que lucide. C’est une crise de conscience en même temps qu’une prise de conscience, qui y sont décrites, analysées, inventoriées avec une minutie et une recherche des moindres mouvements qui n’excluent pas l’élan, qui n’oblitèrent pas la foi.
Résumer l’attitude des Canadiens français demanderait de longs développements, car elle n’est pas simple. Que veulent-ils ? Ne plus être des « nègres blancs », ne plus être des minoritaires « dominés » et voués tôt ou tard à une absorption dans l’anglophonie ; acquérir un niveau de vie décent, mettre leur pays en valeur, mais « en Français » ; en somme, rester et être davantage encore « Français » que par le passé, dans une aspiration qui est essentiellement humaine, avant même que d’être économique et politique. À cette fin, conquérir ou l’égalité, ou l’indépendance, celle-ci à défaut de celle-là pour la majorité d’entre eux, celle-ci plutôt que celle-là pour les jeunes intellectuels.
L’ouvrage se termine par quelques pages pathétiques d’appel à la France. Celle-ci « a-t-elle fait l’inventaire complet de ses devoirs », lorsqu’elle s’est penchée sur les besoins des pays nouveaux nés de son ancien empire colonial ? Non, car il reste six millions de francophones au Canada, dont la « survie » intellectuelle et spirituelle n’est possible qu’avec l’aide de la France, et qui peuvent devenir « la force de frappe française » dans le monde anglo-saxon, une force pacifique et d’autant plus efficace.
Nous recommandons vivement la lecture de cet ouvrage, qui est un émouvant acte de foi dans les valeurs de notre civilisation.