Les États-Unis d’Amérique
Premier né d’une nouvelle collection, le livre de Louis Franck est un document de référence en même temps qu’un instrument de travail. L’ampleur, la complexité et l’austérité du sujet ne se prêtaient guère à une œuvre de lecture courante qui aurait exposé une thèse sur les conditions et l’orientation de l’économie américaine. Bien que l’ouvrage soit divisé en de nombreux chapitres relativement courts, groupés en sept parties, bien que le texte soit en conséquence très « aéré », le lecteur doit suivre l’auteur avec une grande attention et épouser de près un raisonnement étayé de nombreux chiffres statistiques.
Il en retire d’abord la notion que le libéralisme de l’économie américaine s’accompagne d’une intervention de l’État particulièrement importante et croissante pour le protéger d’une fragilité congénitale provenant de la masse de la production et de sa division en de multiples branches. Cette fragilité porte aussi bien sur le fonctionnement général de l’économie que sur son organisation. Le fonctionnement est soumis à tous les aléas du marché intérieur et du marché mondial, résultant de données économiques comme de données politiques : la guerre, par exemple, par sa préparation permanente, et plus encore par son exécution (les deux guerres mondiales, les guerres de Corée et du Vietnam) est un facteur d’une importance considérable. Louis Franck consacre un chapitre spécial au rôle de la défense nationale dans l’économie des États-Unis et souligne ses effets financiers, législatifs et sociaux qui atteignent de larges proportions. L’organisation est vulnérable aux entreprises exagérées de concentration et d’union contre lesquelles elle doit être protégée.
Cette fragilité intrinsèque influe évidemment sur la politique économique poursuivie par les États-Unis dans le monde, qu’il s’agisse d’échanges commerciaux ou d’aide aux pays étrangers. Le rôle de banquiers du monde que las Américains ont joué depuis la fin de la dernière guerre mondiale se trouve, sinon compromis, du moins menacé. L’auteur, en conclusion, pose une question : l’économie américaine peut-elle être encore qualifiée de « dominante » ?
Ce livre ardu, qui ne concède rien aux faciles considérations littéraires, mais s’appuie sur des faits et des chiffres, permettra certainement aux lecteurs de se faire une idée plus complète et mieux éclairée de certains motifs profonds de la politique de Washington.