L'auteur expose ici la situation économique difficile du Portugal et la position délicate de M. Soares dont le nouveau gouvernement, formé en février 1978 après une crise qui a duré deux mois, repose sur la coalition hétérogène associant le Parti socialiste au Centre démocratique et social. Il semble que le Parti socialiste de M. Soares soit menacé d’effritement à ses deux ailes et que les pertes qu’il subit bénéficient au Parti communiste et à la droite conservatrice des anciens caetanistes.
Portugal 1978 : la fin de « l'illusion lyrique »
Dans L’Espoir, André Malraux évoque « l’illusion lyrique » des militants d’extrême-gauche pendant les premiers mois de la guerre d’Espagne. L’expression s’applique mieux encore au Portugal de 1974-1976, mais la retombée significative de la passion suscitée dans l’Europe entière par la « révolution portugaise » atteste que le temps des illusions est désormais révolu. La situation économique, sociale et internationale du Portugal de 1977-1978 est alarmante, et la formation du nouveau gouvernement Soares est une opération dont la précarité apparaît à l’évidence.
La situation du Portugal
Le bilan de la « révolution » comporte des aspects positifs. Les plus incontestables sont la naissance de la démocratie portugaise, l’instauration d’un système de partis relativement viable et le caractère pacifique du bouleversement politique et social réalisé depuis 1974. En outre, la réforme agraire menée dans le centre du pays n’a pas vraiment désorganisé la production alimentaire, comme l’annonçaient les prophètes de mauvais augure, tandis que la nationalisation des secteurs-clés de l’économie (1) n’a pas trop perturbé l’appareil de production. Cependant, les effets négatifs ou pervers de la situation créée à partir de 1974 s’imposent davantage dans la mesure où ils déterminent les contraintes qui lient l’action des dirigeants portugais.
Les mesures économiques et sociales prises depuis 1974 l’ont été dans le pire des contextes internationaux et nationaux. En effet, la hausse brutale des salaires et de la consommation « décrétée » à partir de ce moment a touché un pays financièrement affaibli par une longue guerre coloniale. Elle a coïncidé, surtout, avec la crise économique mondiale parallèle à l’augmentation du prix du pétrole et de certaines matières premières. Au moment où il devait accroître ses importations de produits alimentaires pour faire face à la nécessité d’améliorer le niveau de vie de la population, le Portugal s’est trouvé confronté par là à une détérioration « galopante » de sa balance des paiements ; détérioration qui résultait non seulement du renchérissement de ses principaux postes de dépense extérieure, mais aussi de la baisse de ses rentrées en devises provoquée par le freinage du tourisme étranger, le ralentissement de l’émigration vers l’Europe occidentale, les retours de travailleurs débauchés en France ou ailleurs, ainsi que par la sagacité ou l’incivisme de leurs camarades qui s’abstenaient désormais de rapatrier leurs économies. De plus, ce mécanisme assez catastrophique s’est trouvé aggravé par la venue de centaines de milliers de soldats démobilisés et de réfugiés d’outre-mer, qui ont pesé sur un marché du travail déjà largement excédentaire dans le temps où la politique de nationalisation décourageait les investissements susceptibles de créer des emplois.
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