Juin 1936 : « L’explosion sociale » du Front populaire
Les archives publiques correspondant à l’époque du Front populaire ne sont pas encore ouvertes au public et leur exploitation ne peut être que fractionnaire. Georges Lefranc a donc dû s’adresser à d’autres sources, très diverses, pour trouver des textes représentatifs du phénomène qu’il voulait présenter ; il a dû d’autre part faire œuvre personnelle, pour relier entre eux les extraits présentés. C’est donc un travail original que le lecteur trouvera dans ce livre.
Celui-ci commence par une description de la crise économique qui atteignait la France en 1936, en écho attardé de la grande dépression américaine des années précédentes. Le nombre des chômeurs augmentait dangereusement, le pouvoir d’achat des salaires diminuait rapidement, et une « guerre civile larvée » se déclenchait entre la droite, symbolisée par les « Croix de feu » du colonel de la Roque, et la gauche, groupée dans le « Rassemblement populaire ». Des chefs apparaissaient de part et d’autre, dont l’auteur trace des portraits bien frappés.
Les élections se déroulent en avril et mai ; le Parti socialiste en est le grand vainqueur, et Léon Blum prend le pouvoir. Sa position est difficile, en raison des difficultés économiques de l’heure, de la menace totalitaire à nos frontières du Rhin et des Alpes, ainsi que de l’appui du Parti communiste dont il est idéologiquement et politiquement l’adversaire. Mais aussi, devant le capitalisme qui continue à tenir les leviers financiers, il faut pouvoir lutter afin de réaliser une transformation, une « explosion sociale ».
En juin, commence le vaste mouvement des grèves avec occupation des usines ; les premiers pourparlers ne réussissent pas à enrayer le mouvement, car il faut empêcher à la fois l’échec des travailleurs et la soviétisation des entreprises. Aux grèves de l’industrie s’ajoutent celles du secteur agricole. Puis les rivalités et les oppositions doctrinales lézardent le front des gauches. Les grèves continuent avec une intensité variable.
Mais c’est au cours de l’été que les premiers congés payés sont accordés. Les « loisirs » sont devenus une préoccupation nationale. Les relations entre patrons et ouvriers ont pris un caractère différent, les uns et les autres, pendant l’affrontement, ayant pu se rendre compte de la réalité des besoins et des modalités d’une entente. L’état social du pays s’est modifié.
Georges Lefranc s’est donc fait l’historien de cette crise dont les conséquences devaient être si importantes sur le plan social. Son livre est clair, précis et donne des différentes thèses en présence comme des différents aspects des relations sociales une vue impartiale ; on le lira certainement avec le plus grand intérêt.