L’agonie du régime en Russie soviétique
Pour l’auteur, il ne fait aucun doute qu’une révolution se prépare en URSS dans un délai de quelques années. II est rare de voir affirmer aussi nettement une opinion sur l’histoire actuelle. Si Michel Garder n’était pas connu comme un bon expert des questions soviétiques, une telle assurance ne retiendrait sans doute pas longtemps le lecteur.
L’URSS a perdu le leadership du monde communiste, que les Chinois ont pris, car la lutte des classes s’estompe maintenant derrière la lutte des peuples de couleur contre les peuples blancs. Or un monde basé sur une idéologie tellement sûre de son fait qu’elle crée une théocratie ne peut admettre qu’une seule direction, qu’une seule autorité. Moscou, et moins encore les capitales des pays européens satellisés, n’admettront jamais les ordres de Pékin. Le monolithisme communiste est donc un fait du passé.
D’autre part, à l’intérieur de ses frontières, le gouvernement soviétique a perdu la partie. Inexorablement, le régime s’achemine vers un parlementarisme, inadmissible en régime marxiste-léniniste. Les générations nouvelles ne veulent plus accepter l’échec sur le plan agricole, la domination impérieuse du Kremlin, la toute-puissance du Politbureau ; elles ne veulent plus être bernées de promesses brillantes qui ne se réalisent pas ; elles ne croient plus dans le génie des hommes qui se sont portés au pouvoir, Lénine, Staline, Khrouchtchev, et ne supporteront plus longtemps que leurs successeurs se conduisent en autocrates.
Telle est, très sommairement indiquée, la thèse que défend Michel Garder dans les deux premiers tiers de son livre, avec un brio et une ardeur à laquelle le lecteur est sensible. Il n’était pas nécessaire, semble-t-il, d’inclure dans l’ouvrage, à la suite de cette thèse, un exposé d’un ton différent sur l’administration actuelle de l’URSS et sur ses institutions ; cette partie documentaire, malgré son intérêt, n’ajoute rien à l’opinion que l’auteur exprime si nettement.
Dans un livre de cette nature, on ne peut dire : « le lecteur jugera », car seul l’avenir pourra dire si Michel Garder avait ou non raison. ♦