En observant de Gaulle
Il y a quelques années, était paru un « atlas » américain qui, au lieu de présenter les cartes géographiques habituelles, montrait le monde, en larges vues cavalières, vu de Moscou, de Washington, de Londres ou de Pékin. C’était en somme, bien avant le temps des fusées, un atlas pour cosmonautes. L’impression était frappante et la modification de l’aspect traditionnel des cartes suffisait à faire naître des idées, à montrer des rapports et même à souligner des évidences dont on ne se serait pas douté auparavant.
C’est aussi un peu l’impression que donne le livre de Cyrus Sulzberger, journaliste au New York Times, qui rend compte dans son journal de la politique de la France où il vit depuis de très longues années. Il présente les événements de notre passé récent, mais d’un point de vue tout à fait différent du nôtre ; il leur donne un relief et une signification inhabituels.
Ayant eu l’occasion de rencontrer à plusieurs reprises le général de Gaulle et de converser avec lui, reconnaissant cependant n’être pas un de ses familiers, il en fait un portrait original, sans cacher qu’il a conscience de peindre un des plus grands hommes de notre époque. Son livre est fait d’une longue série d’articles, échelonnés de février 1947 à juillet 1962, dans lesquels il s’efforce de faire comprendre à ses lecteurs américains us phénomène qu’il suppose difficile de leur faire admettre : le général de Gaulle est convaincu qu’il incarne la France et porte sur lui le poids de sa destinée.
Aussi, son livre aurait pu s’intituler, tout aussi bien : « En observant la France », car si la place prise par le général de Gaulle dans cette présentation est évidemment considérable, il n’en reste pas moins que bien des pages de cet ouvrage sont consacrées à la politique française, et aux Français.
C’est d’un point de vue élevé que se place l’auteur, il fait rarement allusion aux détails des faits. Il préfère en tirer les conclusions à longue portée, avec, de-ci de-là, des remarques philosophiques qui ne sont pas celles qui vont le moins loin.
Ouvrage intéressant, attachant, différent de ceux qui ont été écrits sur les événements de notre actualité récente, et ne dissimulant pas la sympathie vraie que son auteur professe pour le général de Gaulle, pour la France et pour les Français. ♦