Anzio tête de pont, tête de mort
« L’affaire d’Anzio » pourra demeurer longtemps un sujet de méditation et de discussion entre ceux qui étudieront sa genèse, son développement et son histoire. Ce débarquement, tenté avec deux divisions sur les arrières des lignes alliées bloquées en Italie devant le Mont Cassin, effectué à portée de main de Rome, n’ayant rencontré initialement aucune résistance mais s’étant transformé en une installation défensive sur une étroite tête de pont, avait, dès qu’il avait été conçu, engendré les plus grands espoirs comme les plus grandes réserves. Churchill y voyait la solution rapide de la guerre en Italie, et peut-être une ouverture vers la reprise des projets qu’il caressait d’attaquer l’Allemagne par le Sud, par le « ventre mou ». Le général Alexander suivait Churchill dans ses espoirs à court terme. Mais les généraux américains envisageaient toute cette affaire avec méfiance, cependant que se préparait déjà le débarquement en Normandie.
Le général Lucas, auquel revenait la charge d’assurer le commandement, n’avait rien d’un audacieux, et mesurait la faiblesse de ses effectifs au regard des immenses possibilités qui pouvaient se trouver ouvertes par un succès rapide : ce succès même, inespéré, l’inquiéta ; il y vit un piège ; loin de « foncer », il « s’organisa ». Les généraux allemands, rompus à la manœuvre, surpris de voir leurs adversaires ne pas profiter de circonstances vraiment exceptionnelles, réagirent très vite et, faisant flèche de tout bois, dressèrent autour de la tête de pont une ligne de solides défenses, puis lancèrent contre elles de puissantes attaques qui faillirent bien l’anéantir. Les combattants, des deux côtés, témoignèrent des plus hautes qualités, sans comprendre, dans une situation étrange qui rappelait les combats sanglants de Dixmude et de Verdun, où était l’enjeu, ce que voulaient leurs chefs ; mais ils exécutèrent les ordres avec une ténacité extraordinaire.
L’auteur, reporter de la BBC, a vécu toute l’histoire de la tête de pont d’Anzio. Il la raconte dans un style coulant, passant des quartiers généraux aux tranchées de première ligne, reconstituant l’atmosphère de ces quatre mois de combat, coupés de crises graves, et donnant sans effort apparent une impression particulièrement intense et forte de ce que fut la lutte, sous ses aspects les plus divers.
Un bon livre sur la guerre, qui vaut à la fois comme témoignage direct et comme étude historique. ♦