Stratégie de l’âge nucléaire
Le titre de ce livre indique insuffisamment son contenu. Il s’agit moins de stratégie, au sens militaire du terme, que de politique de l’âge nucléaire ; car le terme de stratégie englobe largement les aspects de la plus haute politique. Les questions auxquelles répond l’auteur sont en effet les suivantes : la guerre nucléaire est-elle possible, et à quel prix ? La possession des armes atomiques est-elle ou n’est-elle pas une garantie de paix ? Le « club atomique » doit-il rester fermé, ou comprendre un grand nombre de membres ?
La démonstration est menée de façon brillante, avec une richesse de pensée et d’expression que l’on est parfois tenté de trouver trop abondante. Elle repose sur plusieurs théories, séduisantes et remarquables. D’abord celle de l’obligatoire application des représailles aux grandes villes, et par suite de la disparition du mythe ancien des « gros bataillons ». Puis celle, plus originale, de « l’escalade », c’est-à-dire de l’impossibilité de limiter l’emploi des armes nouvelles aux petits calibres ; automatiquement, dit et démontre l’auteur, l’utilisation d’une arme atomique entraînera celle des armes nucléaires de plus en plus puissantes. Ensuite, celle de l’ouverture du club atomique à un nombre de plus en plus important de pays, et de la possibilité pour les petits de se faire respecter par les grands, voire de leur imposer leur loi. Enfin, celle de l’erreur du « désengagement », qui, si elle était faite augmenterait les risques de guerre au lieu, comme certains feignent de le croire, de les diminuer.
Le général Gallois trouve de nombreuses sources d’inspiration dans les théories américaines, mais il les soumet à une refonte et il les éclaire. Il ne fait guère part au sentiment ; il est objectif, entièrement soumis aux faits ; il traite de ces questions comme on traite d’affaires, chiffres et données concrètes en mains.
Ce livre est court ; il est dense ; il a du poids. C’est un livre à lire, indiscutablement, même si le lecteur ne doit pas partager toutes les idées exposées. Car il ouvre des perspectives sur les réalités de l’âge nucléaire et sur les notions qui dorénavant doivent être à la base de toute politique et de toute stratégie. ♦