Guinée, État pilote
Fernand Gigon s’est fait une réputation dans le grand journalisme ; ses œuvres relatives à l’Asie font autorité. Aujourd’hui, il se penche sur une des questions les plus ardues de l’Afrique, une de celles qui sans doute intéressent le plus directement les Français : que se passe-t-il en Guinée, et que devient ce pays après son choix du 28 septembre dernier ?
L’auteur estime que la France a suffisamment insufflé son esprit dans ce pays pour que l’entente soit possible entre elle et lui. Il juge que les chances d’une telle entente sont plus grandes que celles de l’entente entre le Ghana et la Guinée, la formation britannique de la première et sa conception de l’homme comme « sujet » s’opposant fondamentalement à la formation latine de la seconde et à sa conception de la valeur individuelle de l’homme.
Mais cette donnée générale et optimiste quant à nos rapports avec la Guinée ne doit pas dissimuler la formation marxiste de Sekou Touré, dont Fernand Gigon donne le compte rendu particulièrement dense d’une interview, ni l’organisation ramifiée du Parti démocratique guinéen (PDG), parti unique et omnipotent, dont il explique l’emprise par des observations riches en couleur.
La Guinée mène, depuis son accession à l’indépendance, une expérience unique ; elle est le point de convergence des aventuriers, des financiers et des hommes d’affaires de tous les pays. Elle prend, malgré la faiblesse numérique et l’ignorance de sa population, une importance hors de proportion avec la place qu’elle tient effectivement dans le monde. C’est à ce titre qu’elle est le « pilote » de l’Afrique noire, dont l’histoire peut se trouver modifiée, suivant qu’elle aura obtenu un succès ou rencontré l’échec.
Ce reportage de grande classe ne tient pas compte des récentes entreprises du monde communiste pour s’emparer de la Guinée et en faire une sorte d’État satellite. Il est donc dépassé par les événements. Est-ce dire que ses conclusions sont à rejeter ? Nous ne le pensons pas. Elles doivent cependant être nuancées en fonction des événements de ces derniers mois. L’Afrique évolue rapidement. Un reportage datant apparemment de la fin de 1958 – il est regrettable que la date n’en soit pas clairement donnée – n’a plus toute sa valeur d’actualité lorsqu’il est publié en 1959. ♦