Portrait d’un officier
Ce « récit », comme l’appelle l’auteur, repose sur une affabulation que le lecteur acceptera, et qui est d’ailleurs tout à fait plausible. Un jeune officier, qui a longtemps séjourné dans un offlag, s’en est évadé, a repris du service en Algérie, participé aux campagnes d’Italie et de France, est envoyé en Indochine, puis dans l’Algérie en guerre. Servant dans une unité nord-africaine au Laos, il a rencontré un de ses anciens sous-officiers, devenu officier ; c’est un Algérien. Celui-ci, devant le spectacle de la guerre d’Indochine, demande à rentrer en Algérie ; le héros du récit l’en empêche, et, quelques jours plus tard l’officier nord-africain est tué. En Algérie, l’officier retrouve le fils de son ancien subordonné ; il l’accepte dans son unité. Mais ce fils, faisant à son tour une crise de conscience, et osant dépasser son père, trahit et livre des armes aux fellaghas. Il est condamné et fusillé. L’officier ne pouvant plus supporter la double responsabilité qu’il porte, et se trouvant en désaccord avec la plupart de ses chefs et de ses camarades sur la façon dont est menée la guerre en Algérie, démissionne et rentre dans ses terres. Il rencontre à Marseille, à son retour en France, un ancien camarade d’offlag – l’auteur – et lui fait le récit de son évolution.
L’histoire de cet officier sert de prétexte à des jugements sur les guerres de ces dernières années. On connaît suffisamment l’opinion de l’auteur pour qu’il soit inutile d’exposer quels sont ces jugements. Sévères, souvent peu nuancés, ils comportent la condamnation de la guerre et des méthodes qui y sont utilisées, du moins de certaines de ces méthodes, que Pierre-Henri Simon fait apparaître comme des méthodes courantes, et qui le sont moins cependant qu’il ne le dit. Car d’autres officiers qui ont suivi approximativement le même chemin que son héros, et se sont montrés tout autant que lui exigeants sur les valeurs morales et sur le respect de la personne, n’ont pas abouti aux mêmes conclusions et ont continué de servir, ce qui était peut-être un moyen plus sûr que la démission pour empêcher des excès regrettables et condamnables.
Portrait « d’un » officier, nous l’admettons très volontiers, et nous connaissons des cas où le trouble de conscience a failli conduire des hommes de droiture à des solutions de désespoir, qui auraient été infamantes. Mais non portrait « de l’officier ». La nuance est importante ; il est regrettable que le litre rapidement lu prête à confusion et soit ambigu.
De toute façon, ce livre est un témoignage qui ne peut laisser indifférent. Au-delà de l’aventure qui en fait le sujet, il pose les questions les plus graves et les plus complexes qu’ait à résoudre une conscience exigeante, dans la forme moderne de la guerre. ♦