Se taillant la part du lion dans le réseau mondial d'information, les pays industrialisés de l'hémisphère Nord ont naturellement tendance à croire que leur action en ce domaine est un bienfait pour les pays en voie de développement. Ceux-ci, en réalité, souffrent de multiples inégalités en matière de communications, de mass-media, de diffusion de l'information et de son contenu qui leur impose l'image du modèle culturel occidental. Il en résulte pour eux un certain sentiment d'aliénation plus ou moins vivement ressenti. Il n'est pas question de culpabiliser le monde industrialisé en lui faisant grief de cette hégémonie de fait, fruit de l'histoire, mais les Occidentaux doivent comprendre pourquoi les pays en voie de développement aspirent à un nouvel ordre mondial de l'information. L'engagement du dialogue sur ces divers points tend à prévenir l'émergence d'un nouveau champ d'affrontement. L'auteur expose ici les critiques des pays en voie de développement à l'égard de la situation actuelle en matière d'information, puis la réplique des pays industrialisés à ces critiques ; il retrace enfin la genèse et l'historique de ce débat à travers les conférences des pays non-alignés et celles de l’UNESCO.
Problématique du nouvel ordre mondial de l'information. Vers une étape nouvelle de la décolonisation
Au sein des discussions relatives au Nouvel ordre économique international (N.O.E.I.), un secteur spécifique – celui de l’information – a occupé une place privilégiée croissante au point de devenir un sujet de revendication en soi. Depuis 1976, en effet, les pays en développement préconisent une décolonisation sur un plan nouveau et articulent avec de plus en plus de précision les éléments constitutifs d’un Nouvel ordre mondial de l’information (N.O.M.I.), adjacent et complémentaire au N.O.E.I. À ce stade du débat, il ne serait pas sans intérêt d’explorer la problématique de ce N.O.M.I. On fera donc ici le point, d’une part des critiques courantes adressées aux structures mondiales de la communication et, d’autre part, des tendances préliminaires du processus de réaménagement actuellement en cours.
La critique des structures mondiales de la communication
Le Tiers Monde dénonce l’injustice profonde des structures de la communication dans le monde sur la base de cinq chefs d’accusation principaux touchant l’inégale répartition de la technologie de l’information, le sens privilégié de la circulation internationale de l’information, le contenu aliénant de l’information en circulation, la pérennité de l’emprise coloniale sur les circuits d’information nationaux des pays en développement et, enfin, l’abus de l’idéologie de la libre circulation de l’information.
L’inégalité des capacités technologiques des mass media dans le monde
L’information n’est devenue le considérable moyen social que l’on connaît qu’avec le support de la technologie moderne. En ce sens, elle apparaît d’abord comme un pouvoir technologique avant d’être un pouvoir social. Or, ce pouvoir technologique se trouve très inégalement réparti à travers le monde. Le système actuel de la communication mondiale se caractérise à la base par une profonde disparité des moyens de grande information au niveau élémentaire de l’infrastructure – disparité qui n’est, évidemment, que l’un des aspects particuliers du déséquilibre économique et social global entre pays industrialisés et en développement. Plus des deux tiers de la population mondiale demeurent encore aujourd’hui en dehors des immenses potentialités ouvertes, sur le plan du développement éducatif et culturel, par la technologie moderne des mass media. Le Tiers Monde se situe, pour les trois quarts, au-dessous du « minimum Unesco », c’est-à-dire des normes minimales posées par cette institution pour l’évaluation du degré d’infrastructure nationale en matière d’information (10 journaux quotidiens, 5 postes de radio, 2 places de cinéma et 2 postes de télévision pour 100 habitants).
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