Biologie sociale
Dans les précieux volumes de la fameuse collection « Que sais-je », l’éminent sociologue qu’est M. Gaston Bouthoul continue à publier des résumés et des mises à jour de son important Traité de sociologie. Après L’histoire de la sociologie, Les Mentalités et La guerre, voici Biologie sociale ; c’est un petit ouvrage qui condense les connaissances et les théories exposées par l’auteur dans la troisième partie de son Traité, qui avait pour objet la sociologie dynamique.
La sociologie est une discipline qui a longtemps paru austère, d’autant qu’elle se confondait avec la philosophie. Depuis Auguste Comte, elle a pris plus d’autonomie, en même temps que plus de clarté. La lecture des ouvrages de Gaston Bouthoul, lecture attrayante et facile, est particulièrement convaincante sur ce dernier point.
Mais la sociologie est de plus en plus indispensable à tous ceux qui ont la charge de diriger des hommes et qui sont revêtus de responsabilités dans la Cité et dans la Nation. À ce titre, elle est souvent l’objet de tentatives de captation au profit de tel ou tel système. M. Gaston Bouthoul demande, à juste titre, que la sociologie reste une science dégagée de toute influence partisane. Elle doit servir aux responsables, mais non pas se laisser asservir par eux.
C’est dans cette perspective que se présentent les huit chapitres de l’ouvrage. Le premier définit d’abord la « biologie sociale » comme la science des mouvements qui se produisent à l’intérieur des sociétés, puis développe les différences et les analogies entre l’organisme humain et les sociétés. Le second traite de l’espace sociologique et des structures géographiques, démographiques, temporelles, mentales, hiérarchiques, économiques ; le troisième, du temps sociologique, d’une part pour le distinguer du temps physique mesurable, différent de la durée vécue, et d’autre part, pour insister sur la périodicité des phénomènes sociaux, qui conduit à la notion de lois ; mais ces lois ne sont pas mathématiques ; elles sont sujettes à des déphasages, à des perturbations et à des phénomènes d’auto-équilibration. Et le quatrième chapitre étudie les équilibres sociologiques, en montrant de façon très convaincante qu’ils sont le résultat, non pas d’une succession de causes et d’effets, mais d’une suite beaucoup plus complexe d’inter-réactions ; c’est à celles-ci que sont dues les oscillations des phénomènes sociologiques, parfois régulières ou cycliques, mais souvent aussi à des « décharges brusques » qui sont la conséquence d’accumulations préalables ; par exemple, la guerre ne peut se produire que lorsque certaines conditions démographiques, économiques et psychologiques se trouvent réalisées ; elles sont le fruit d’une « accumulation » généralement lente, parfois peu perceptible parce que prêtant à diverses interprétations au moment où elle se produit ; sous l’action d’un facteur externe, parfois secondaire, la décharge se produit, la guerre éclate, et au bout d’un certain temps, les phénomènes jouant en quelque sorte en sens inverse, les conditions du retour à la paix se trouvent réunies. Les cinquième, sixième et septième chapitres vont développer cette notion capitale des équilibres sociologiques, en les étudiant par rapport à la démographie, à la psychologie collective et aux « mentalités », c’est-à-dire aux contextes psychologiques des structures sociales et des institutions. Enfin, le dernier chapitre traite des équilibres hiérarchiques.
Un résumé aussi succinct de la riche matière du livre de M. Bouthoul risque fort, nous ne le dissimulons pas, d’être moins clair que le texte même de l’ouvrage. Il semble en effet impossible de résumer un résumé, surtout lorsqu’il s’agit de problèmes par essences complexes et dont l’exposé demande mille nuances. Mais il serait souhaitable qu’il donne la tentation de lire cette excellente introduction à la sociologie dynamique, qui est une véritable source d’idées et de réflexions profitables. ♦