L'auteur évoque le débat de doctrine qui divisa durant trente ans ceux qui avaient compris que l'aviation était une arme révolutionnaire changeant radicalement le concept même de la guerre et ceux qui ne voyaient en elle qu’un auxiliaire de la bataille terrestre ; pour les premiers, il était évident que la victoire aérienne précède la victoire terrestre et qu'elle en est le gage, tandis que les seconds ne pensaient qu'en termes « d'aviation du coin du bois ». Une querelle qui nous a coûté cher en 1940 !
Le débat de doctrine sur l'emploi de l'aviation militaire française 1916-1946
« Depuis longtemps, malgré de sages avis patriotiques émis par l’opinion publique et dans divers centres dirigeants, la défense aérienne nationale ne progressait pas et de très forte qu’elle aurait pu être, on l’avait laissé tomber dans une désolante infériorité. Le danger devint, tout à coup, imminent et vint surprendre nos gouvernants avec la nation tout entière, réduisant à l’impuissance les meilleures bonnes volontés et les plus grands dévouements. C’est qu’une armée aérienne ne s’improvise pas moins qu’une armée de terre qui, comme résistance, gêne toujours l’ennemi ; ainsi que cela se passe pour la marine, et plus encore pour l’aviation armée, il eut fallu se préparer longtemps à l’avance. Les avions ne peuvent surgir des arsenaux au gré de ceux qui conduisent les événements, le personnel aviateur non plus. La moindre infériorité dans l’air pourra devenir désastreuse, que sera-ce si elle est doublée d’impéritie ? »
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce texte n’est pas dû à la plume d’un observateur de la défaite de la France en juin 1940. À cette date, qui démontre à l’évidence l’impéritie des responsables de la mise sur pied de la défense nationale française, l’auteur du jugement que nous rapportons, Clément Ader, est mort depuis plus de dix ans. L’avertissement ci-dessus a été écrit en 1898 et publié dans un livre apparemment prophétique « L’aviation militaire ». Il apparaît intéressant de mettre ce livre en exergue d’un article consacré à l’histoire de l’aviation militaire française car il prouve qu’avant même que ne fussent démontrées dans les faits les possibilités techniques offertes par le plus lourd que l’air, un savant français avait compris que le développement de ces techniques qui lui paraissait inéluctable offrait une arme nouvelle à la défense de la France et que cette arme devait révolutionner l’art même de la guerre.
Il n’est pas indifférent de constater que les idées d’Ader ne furent, à l’époque où il les émit, partagées que par de rares spécialistes et que des campagnes de presse visèrent à déconsidérer l’homme en le traitant d’imposteur pour avoir prétendu avoir volé sur l’Éole et sur l’Avion, ce qui était pourtant attesté par les témoins des expériences faites aussi bien dans le Parc d’Armainvilliers qu’à Satory.
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