Les forces alliées en Italie
Le livre que vient de consacrer le général Marcel Carpentier à ce grand sujet est précédé d’une belle préface du général Juin. Nous ne croyons pas pouvoir mieux le présenter à nos lecteurs que par la reproduction de cette dernière :
« Voici un exposé de la campagne d’Italie puisé aux meilleures sources. Il porte la signature du général Carpentier, qui fut mon chef d’état-major au cours de cette campagne et le confident le plus intime de mes pensées, c’est dire que rien ne lui a échappé de la genèse et du sens de mes décisions, dont il fut le magistral metteur en scène.
L’ouvrage qu’il présente aujourd’hui tire son objectivité de faits de commandement et de documents irréfutables, dont il eut à connaître au poste éminent que je lui avais confié. Historiquement, et du point de vue didactique, sa valeur est indéniable, car il reflète la pensée exercée d’un homme de métier, qui a embrassé l’ensemble des manœuvres après en avoir suivi attentivement la préparation et l’exécution dans les arcanes de l’État-major.
« Sous la trame des faits épisodiques, le lecteur tant soit peu initié aux choses de la guerre trouvera dans l’analyse ordonnée et sagace du général Carpentier de sérieux sujets de méditation. Les réflexions concernant le choix du point d’application des efforts et la notion de leur convergence lointaine, dans l’espace et dans le temps, en vue du but stratégique qu’on s’est fixé, rejoignent aujourd’hui le jugement de l’Histoire. Il est manifeste, en effet, que l’exploitation du succès tactique inespéré remporté dans la péninsule en mai et juin 1944, s’est trouvée paralysée par une planification trop rigide datant de la Conférence de Téhéran, qui n’avait pas su prévoir, en Méditerranée, les variantes que pouvaient imposer les circonstances, et devait ainsi réduire la portée d’un vaste dessein stratégique.
« Il n’en reste pas moins qu’à lire ce récit, ponctué de noms sonores de batailles et de victoires, il n’est pas un Français qui ne tressaille de fierté.
« Qu’après notre défaite de 1940, une petite armée française, surgie des profondeurs de l’Empire, ait, dès son apparition sur les champs de bataille d’Italie, rempli d’étonnement et d’admiration nos Alliés eux-mêmes, cela tient du miracle.
« C’est qu’en vérité l’Armée française n’était pas morte. La campagne désastreuse de 1940, entreprise sous le signe de l’impréparation matérielle, n’avait pas tué son âme, formée au cours des siècles de notre Histoire et fondée sur les traditions les plus glorieuses dont puisse s’enorgueillir une armée. Ayant retrouvé des armes de qualité grâce à la générosité et au génie créateur de nos alliés américains, elle devait, à coup sûr, avec les mêmes hommes et les mêmes chefs, s’avérer immédiatement comme un incomparable outil de guerre.
« C’est aussi que les Français se trouvèrent favorisés sur ce théâtre par un ensemble de conditions, rarement réunies dans une guerre de coalition.
« On prête au Maréchal Foch des mots qui témoignent des difficultés trop souvent rencontrées dans la conduite de forces disparates, n’ayant ni les mêmes réflexes, ni les mêmes desseins. Il serait allé jusqu’à dire qu’il admirait beaucoup moins Napoléon depuis qu’il savait ce qu’était une guerre de coalition. J’aurais mauvaise grâce, pour ma part, à tenir pareil langage. En Italie, des chefs comme le général Alexander, commandant du théâtre, et le général Clark, commandant la Ve Armée américaine, n’ont pas peu contribué, par leur commandement si compréhensif et si plein de sollicitude à l’égard des Français, à créer le climat de confiance et d’estime réciproque qui a permis au Corps expéditionnaire français de donner toute sa mesure. Nous n’oublierons jamais ce que nous leur devons. »