Les conséquences militaires et politiques de l’énergie atomique
Le livre de Patrick M.S. Blackett, professeur de physique à l’Université de Manchester, Prix Nobel 1948, mériterait d’être lu par tous ceux qu’intéresse l’avenir de la France et du monde.
Né le 18 novembre 1897, l’auteur se destina à la carrière d’officier de marine, il prit part aux batailles des îles Falkland et du Jutland. Lieutenant de vaisseau en 1919, il démissionna et commença ses études de physique chez Lord Rutherford, au laboratoire Cavendish à Cambridge. Il construisit bientôt un appareil où les rayons cosmiques déclenchent eux-mêmes le mécanisme qui permet de les voir et de les enregistrer. Il obtint bientôt des preuves décisives de l’existence de positron ou électron positif. En 1933, il devint professeur au Birkbeck College, établissement où l’on enseigne le soir, comparable à notre Conservatoire des Arts et Métiers. Pendant la guerre, il fut conseiller scientifique à la direction de la stratégie britannique et joua le rôle important dans la lutte anti-sous-marine, puis il devint membre du « Comité consultatif sur l’énergie atomique ».
Ce savant a abordé le problème atomique avec une expérience de militaire mais avec toute l’objectivité d’un homme de science. Dans la question de la bombe atomique, qui domine aujourd’hui tous les rapports entre l’URSS et l’Amérique, il apporte une contribution extrêmement originale et ne se contente pas de reproduire les jugements officiels ou d’émettre les aphorismes habituels. Contrairement à ce que l’on croit, son analyse des bombardements de la dernière guerre l’amène à des jugements beaucoup plus nuancés sur l’importance, prétendument décisive, des bombardements stratégiques. Il ne dissimule pas non plus que les premiers lancements atomiques sur le Japon ont été favorisés par des circonstances particulières qui ne se reproduiraient peut-être pas. Il précise et limite soigneusement les effets éventuels des bombes stratégiques de l’avenir. Il ne dissimule pas les difficultés qui se poseraient à une pénétration en profondeur d’un territoire puissamment défendu en vue du lancement des bombes atomiques, encore bien plus puissantes que celles de la dernière guerre. Il met en garde contre les tendances à voir dans la bombe atomique une arme irrésistible, dispensant les adversaires éventuels de tous autres efforts techniques et militaires.
Idéaliste convaincu, il reste, pourtant, persuadé que l’humanité actuelle peut encore sortir de l’impasse où elle paraît engagée et qu’un cataclysme nouveau pourrait et devrait être évité par la création d’un organisme coordinateur et d’un système d’inspection international.
Quelles que soient les théories émises par l’auteur, elles reposent sur une documentation puissante et, croyons-nous, unique jusqu’ici en son genre dans sa densité et sa concision.