L'article que l'on va lire est dans le droit fil de ceux qui ont déjà parus en janvier et mai 1980, sous la signature du colonel Lewin, directeur adjoint du Centre de prospective et d’évaluation (CPE) ; l'auteur est cependant différent. Ce pseudonyme couvre une personnalité qui reflète très vraisemblablement un point de vue autorisé, et qui, de toutes façons, suit de très près les problèmes de défense et de politique étrangère, ces problèmes ayant, comme chacun sait, un lien très étroit. On pourra d'ailleurs constater que les propos que le ministre de la Défense, M. Yvon Bourges, a tenus récemment à deux occasions (le départ en patrouille du Tonnant et une émission « Face au public » de France-Inter), sont longuement explicités et commentés. Le lecteur sera certainement sensible au ton à la fois libre et mûrement pesé de cet article.
La force des choses
Voilà quarante ans, la France subissait un désastre militaire sans précédent dans son histoire. Les Français n’ont pas fini de méditer sur les causes de cette catastrophe, en un temps où, de nouveau, le monde est la proie de graves secousses. Le souvenir des malheurs passés ravive dans l’âme nationale un âpre souci de la sécurité, donc de la défense. On s’interroge sur notre doctrine militaire ; on veut connaître la qualité de nos armements ; on presse les spécialistes de s’expliquer ; on somme les responsables de prouver la réalité, la valeur et le modernisme de nos choix en matière de défense.
Aussi faut-il attacher une importance particulière aux réponses données. Quand il s’agit de celles du ministre de la Défense, une extrême attention est requise, chose fort difficile dans le tohu-bohu de l’information quotidienne. Cependant, pour une fois, les observateurs soucieux de rechercher sous la paille des mots le grain des choses, n’ont pas laissé s’éteindre dans le silence les propos qu’à deux reprises, au début du mois de mai, M. Bourges a tenus sur le présent et l’avenir de notre dissuasion nucléaire, voire au-delà, de l’ensemble de notre politique militaire.
D’abord, le 3 mai, en présidant la cérémonie du départ pour sa première patrouille du cinquième sous-marin nucléaire lanceur d’engins (S.N.L.E.) Le Tonnant, à Brest : puis, quatre jours plus tard, au cours d’une longue émission de France-Inter (« Face au public »), le ministre de la Défense s’est manifestement plu, avec une force de conviction et une volonté de clarification remarquées, à définir les orientations présentes et futures de notre politique militaire. Sans polémiquer ni ouvrir le moindre procès d’intention, le ministre de la Défense, en ces deux occasions, a tenu à rappeler indirectement à son auditoire que, même si elle donne lieu à des débats nécessaires, enrichissants et, parfois, confus, la politique française de défense reste définie par les instances responsables : le président de la République, le gouvernement et le Parlement.
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