Le Droit de la guerre
Le Droit de la guerre
Professeur de droit international à l’université de Paris II, récemment décédé le 23 mars 2017, Mario Bettati est surtout connu du grand public pour avoir œuvré, aux côtés de Bernard Kouchner, à la reconnaissance d’un « droit d’ingérence », à la fin des années 1980. Quelques années après la publication de son livre Le droit d’ingérence : mutation de l’ordre international, reprenant sa plume et son analyse de juriste, il publie ici un ouvrage généraliste, à destination du grand public, sur le droit de la guerre.
L’apparition des nouveaux types d’armes et de guerres ces dernières décennies appelle, selon l’auteur, un complet renouveau du droit international. À travers cet ouvrage, Mario Bettati démontre, avec beaucoup de conviction, que les nouvelles tendances en droit international, notamment dans le droit de la guerre, donnent une place singulière à l’individu, le protégeant toujours plus des abus des États.
Présentant tout d’abord les normes qui régissent la guerre face à l’interdiction du recours à la force édictée par la Charte de l’ONU, il expose ensuite les sources de ce droit, notamment l’apport des religions monothéistes sur la conduite des combattants.
Poursuivant sa présentation du droit de la guerre, Mario Bettati en précise les contours, les modalités, les méthodes et moyens utilisés, la mise en œuvre et, enfin, la cessation. Cette partie centrale met en avant l’évolution de la règle de droit, l’apport des traités et de la coutume internationale qui contribuent à encadrer la guerre pour, in fine, la limiter.
Revenant sur l’interdiction de certaines armes jugées « trop inhumain[e]s ou barbares », il insiste sur la place de l’individu dans le droit de la guerre. L’homme, en tant que personne non combattante, se voit doté d’une protection générale, « à la fois une des plus anciennes et une des plus transgressées » précise-t-il, dans un contexte de vulnérabilité croissante des populations civiles.
La dernière partie de l’ouvrage, traitant de la mise en œuvre du droit des conflits armés, est la plus attendue, de la part d’un professeur de droit qui a quitté par trois fois la sphère universitaire pour le monde politique, en conseillant ministres ou secrétaires d’État. Rappelant le grand principe onusien d’interdiction du recours à la force, Mario Bettati présente les avancées du droit de la guerre sous deux aspects : l’intervention (avec le principe de la responsabilité de protéger - R2P) et la sanction (par la mise en œuvre de la responsabilité pénale, avec la CPI et les TPI). Découlant du principe selon lequel tout État est responsable de la protection de sa population contre le génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, la notion de R2P permet une action collective, encadrée par le chapitre VII de l’ONU, au sein d’un État qui ne s’acquitterait pas de cette responsabilité. En comparaison avec le « droit d’ingérence », l’État demeure souverain mais perd sa légitimité s’il ne remplit pas ses obligations.
Après s’être réjoui que deux interventions de l’ONU en 2011 (Libye et République de Côte d’Ivoire) se soient appuyées sur cette notion, Mario Bettati regrette que la R2P n’ait pas encore acquis le statut de règle internationale, comme le prouve l’absence d’intervention en Syrie en 2013 après l’utilisation par le régime d’armes chimiques.
Seconde avancée du droit de la guerre, la sanction vise un acte répréhensible d’individus isolés ou en groupe. La justice pénale s’est internationalisée, comme le fait remarquer très justement Mario Bettati, mais l’efficacité des sanctions reste aléatoire.
Dans cette dernière partie de l’ouvrage, en laissant une grande place au système de sécurité collective dans le droit de la guerre, l’auteur s’efforce de concilier souveraineté et ingérence, loin de sa formule lapidaire des années 1980, « la souveraineté, c’est la garantie mutuelle des tortionnaires ». Pour lui, le droit de la guerre permet d’encadrer le recours à la force armée, participant ainsi à la maîtrise de la violence au sein des sociétés et entre les sociétés.
Le professeur Mario Bettati restera comme le promoteur du concept d’ingérence humanitaire, représentation moderne de la notion classique d’intervention d’humanité. ♦