Le retour du combat de haute intensité souligné par beaucoup peut être discuté, voire contredit. Il est nécessaire d’abord de revoir notre concept de sécurité et de remettre au cœur de notre défense, celle de notre territoire national, quitte à remettre en cause certaines opérations non essentielles.
Concept et sécurité de « haute intensité »
Concepts of Security and High Intensity
The return of high-intensity combat, highlighted by many, is open to debate or even contradiction. We first need to review our concept of security and to put the security of our national territory back into the core of our defence, even if that means questioning some non-essential operations.
« Le retour du combat de haute intensité », tel est l’intitulé du dossier rédigé et publié par le G2S, groupe de généraux en retraite qui, encore proches de l’état-major, disposent d’informations techniques récentes. En l’occurrence, ce dossier se veut être une somme de réflexions sur les évolutions et perspectives des futurs conflits. Ces officiers généraux s’inquiètent donc du retour possible du combat dit de « haute intensité », ce niveau conflictuel étant, à leurs yeux, un marqueur de la guerre, une sorte de déterminant qui ferait passer la guerre au-delà d’un seuil, celui de l’intensité. Sans doute ont-ils adopté cette formule par antiphrase et par contraste avec ce qu’on a appelé les conflits de basse intensité, ces « petites guerres » ou guerres en dentelle du XVIIIe siècle et, plus récemment, des conflits périphériques et lointains où, faute d’armes et/ou de combattants, il ne se passait pas grand-chose ou, alors, de façon sporadique et avec des pertes humaines limitées ; on y invoquait le slogan inconvenant de « zéro mort » comme pour exorciser ce que la guerre avait de scandaleux (selon les médias) : le risque pour le soldat d’y mourir. Mais on conviendra qu’autant il est facile, de loin et dans le calme d’un bureau, de classer les conflits sur une sorte d’échelle de Richter qui en mesurerait l’intensité comme on le fait en captant l’énergie d’une secousse volcanique, autant, lorsqu’on se trouve sur le terrain et qu’on est pris sous le feu d’un fusil d’assaut ou sous la menace d’explosion d’une mine, l’intensité n’est plus un objet de spéculation, surtout si on y laisse sa peau ou que l’on en revient estropié. Tout cela pour dire que le niveau d’intensité n’est peut-être pas un critère pertinent pour envisager les guerres, pas plus celles d’aujourd’hui que les probables du futur.
Je suis d’autant plus à l’aise pour l’écrire que je n’ai pas trouvé dans ce volumineux dossier d’essai convaincant de définition, voire une approche conceptuelle qui donnerait quelque crédit à cette formule alarmante. Des critères qui définiraient la « haute intensité », on retiendra ceux qui caractérisent une « guerre » considérée dans sa dimension, à savoir son ampleur, son étendue et, ajoute le préfacier, ses effets sur le territoire national. Rien de bien original en fait et qui nous ramène à ce qui était connu comme l’expression habituelle d’un conflit, en particulier le déchaînement de la violence. Pourquoi alors ne pas appeler les choses par leur nom se satisfaire d’effets de langage, cette mode technocratique qui vise à rendre obscur et complexe ce qui est mal perçu et inquiète ? Le retour de la guerre ? Eh bien, parlons-en !
Le retour de la guerre ?
Depuis la fin de la guerre froide, loin de s’enflammer – ce que l’on aurait pu redouter du relâchement international, le monde s’en est tenu à ses habitudes séculaires : des guerres civiles, des conflits régionaux, des manifestations anarchiques de la violence, à l’exemple du terrorisme. Bon an mal an, une vingtaine de conflits, mais de modestes « accrochages » au regard des deux guerres mondiales. Trois arguments ont plaidé pour cette rétraction de la violence au niveau infra-guerrier : la dissuasion nucléaire au premier chef, qui a inhibé l’appréciation du rapport des forces des puissances concernées ; la construction européenne qui a éteint le foyer principal de la conflictualité mondiale ; l’entrelacs des accords de limitation ou d’interdiction des armements qui ont encadré les ardeurs des va-t-en-guerre de toutes nations. Et le nombre de conflits n’a cessé de décliner au point d’inciter bien des pays sinon à baisser la garde, mais plutôt à laisser courir les affaires et percer les abcès. Jusqu’à ces dernières années où, au moins dans quatre zones mondiales, la situation s’est envenimée.
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