Les outils traditionnels de gestion des conflits ont montré leur limite dans la crise sahélienne. Inadaptation, lourdeur administrative, concurrence stérile, autant de difficultés qu’il convient de surmonter par une nouvelle approche. Cela implique que les acteurs africains et leurs partenaires formulent un vrai projet.
Les instruments internationaux de gestion des conflits au défi de la crise sahélienne
International Conflict Management Instruments Challenged by the Crisis in the Sahel
Traditional instruments for conflict management have shown their limits in the crisis in the Sahel: lack of adaptation, excess administration and pointless competition are all difficulties that must be overcome through a new approach. This implies that African players and their partners have to build a genuine project.
Huit ans après le début de l’engagement de la communauté internationale au Mali, les signaux alarmants d’aggravation de la crise qui enflamme désormais le Sahel dans son ensemble ne cessent de se multiplier. Cette profonde crise sécuritaire s’articule autour des deux foyers de violence du Sahel central et du bassin du lac Tchad, qui tendent à s’étendre à un nombre grandissant de pays, notamment aux États côtiers du golfe de Guinée.
La crise sahélienne est par essence multidimensionnelle, en ce qu’elle implique une grande variété d’acteurs hétéroclites, allant des groupes djihadistes – eux-mêmes en compétition à l’instar du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), affilié à Al-Qaïda, et de l’État islamique dans le Grand Sahara (EIGS), affilié à la province Afrique de l’Ouest de l’État islamique à laquelle sont aussi rattachés certains groupes issus de la scission de la secte islamiste Boko Haram – aux mouvements rebelles autonomistes du nord du Mali et aux groupes politico-militaires tchadiens, en passant par les groupes d’autodéfense (tels les Koglweogo du Burkina Faso) et les milices communautarisées (à l’instar de la milice dogon Dan Na Ambassagou dans le centre du Mali) ainsi que les hommes armés non identifiés, se livrant principalement à des activités criminelles. S’y ajoutent les mouvements massifs de protestations populaires qui ont abouti en 2014 à la chute du président burkinabé Blaise Compaoré et en août 2020 à celle du président malien Ibrahim Boubacar Keïta. Désormais, deux pays de l’espace sahélien sont en partie gouvernés par des militaires, un coup de force ayant parachevé la révolte populaire qui grondait au Mali tandis qu’un comité militaire de transition (CMT) a suspendu l’ordre constitutionnel au Tchad à la suite du décès du président Idriss Déby Itno, confronté à une nouvelle rébellion. Les conflits de nature inter et intracommunautaire, liés de manière séculaire à la gestion des ressources agro-pastorales et foncières ainsi qu’à des rivalités de leadership, deviennent de plus en plus violents et meurtriers.
Pourtant, face à cette conflictualité multiforme, les mécanismes de gestion des conflits, militaires aussi bien que civils, forgés pour certains dans le cadre des guerres anti-insurrectionnelles du siècle dernier, pour d’autres dans celui de la doctrine onusienne des opérations de paix ou encore des cadres d’intervention définis plus récemment par les organisations régionales africaines, se révèlent aujourd’hui largement dépassés. La crise sahélienne apparaît ainsi de manière croissante comme un révélateur de l’obsolescence de la plupart des instruments traditionnellement mobilisés par les acteurs internationaux, à titre bilatéral ou multilatéral.
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