Le Guide du Paris occupé
Le Guide du Paris occupé
Ce livre est un voyage au bout de la nuit, une insertion dans le Paris « des années terribles, sous l’occupation ». Le 14 juin 1940, « alléguant à la défaite de nos armées », Paris « ville ouverte » doit se conformer aux directives du gouverneur militaire allemand. Arrondissement par arrondissement, l’ouvrage devient l’album photos des soldats de la Wehrmacht occupant Paris. Illustrées par les plans des rues de l’époque, des centaines d’adresses composent cet ouvrage qui parvient à restituer toutes les ambiances du moment. Le lecteur français n’y trouvera que des images qui font mal, car pour l’occupant, Paris, conquête militaire et politique, doit être fidèle à sa réputation : une ville de détente et de plaisir. Une situation vécue à l’inverse du quotidien du petit peuple sur lequel s’abat un système de privations, d’exécutions et de déportations.
Réunion d’une imposante collection privée, ce livre fourmille de détails sur la minutieuse organisation mise en place par les vainqueurs pour faire de Paris une ville de distraction pour la Wehrmacht, mais dans l’ordre et la discipline. On découvrira les Jeder einmal in Paris, ces programmes touristiques destinés aux soldats de la Wehrmacht. Il y a aussi ces guides qui leur sont spécialement distribués avec les programmes de Soldatenkino ou de music-halls et un vaste choix de restaurants réservés, de cabarets et… de maisons closes. Certaines sont réservées aux officiers, à l’image du One-Two-Twodans le 8e, treize autres étant destinées à la troupe.
Au fil des pages, on croise les vedettes de la Continental Films (104 avenue des Champs-Élysées). La Waffen-SS tient sa boutique avenue du Recteur Poincaré : 7 000 Français rejoindront la secte nazie, nous rappelle l’auteur. La Propaganda Staffel veille et surveille. Elle s’installe au 52, pas très loin de chez Maxim’s. Céline est souvent convié à la table d’Otto Abetz. D’un côté, il y a « Paris sera toujours Paris ». Le programme du Moulin Rouge vous surprendra. « Paris ! Pour eux ! Rien que des bons souvenirs ! » a réagi la fille d’un FTP (Francs-tireurs et partisans) secteur Montrouge (c’est Mme Wodka-Gallien). En face, il y a le Paris de l’indicible. Forces occultes est tourné rue du Faubourg Saint-Antoine dans un immeuble réquisitionné par la Gestapo, apprend-on au chapitre 11e arrondissement. Depuis ses bureaux au 93 rue Lauriston, elle cible Résistants et Francs-maçons.
Dans l’Est parisien, ce 14 mai 1941, le 11e est le théâtre de la « rafle du billet vert », opération encadrée par la SS et la police française frappant les juifs étrangers. Des photos inédites nous racontent cet événement. Pour eux, direction Auschwitz-Birkenau, un an avant le Vél d’Hiv. Le quotidien Je Suis Partout paraît dans le 14e, le 22 novembre 1941, le journal collaborationniste est la cible d’une attaque à la grenade des Jeunesses communistes. La résistance prend des formes inattendues : au 205 rue Lecourbe, dans le 15e, le directeur du Ritz parvient à dissimuler à l’occupant 120 000 de nos meilleures bouteilles. Mais où von Choltitz a-t-il dîné juste avant la Libération ? Vous le saurez dans ce livre. Dans ce dialogue entre grande histoire et anecdotes du quotidien, l’auteur a eu la bonne idée d’insérer des encadrés présentant les sinistres personnages du Paris occupé, Allemands ou Français compromis avec l’ennemi. Pour beaucoup, leur histoire s’est terminée devant le peloton.
On apprécie la formule immersive de ce livre réalisé par un passionné du Paris occupé pour nous donner une approche originale sur une période lourde et sombre de notre histoire. En refermant l’ouvrage, on se dit que, finalement, on a bien fait de se doter de l’arme nucléaire, au nom du « plus jamais ça ». Incidemment, le livre est intéressant aussi pour comprendre les univers de Michel Audiard et de Marcel Carné. En complément, il peut aussi visionner des documentaires très bien faits sur le Paris occupé : Terroristes à la retraite et L’Occupation sans relâche. Pas d’hésitation ! Ce livre est passionnant. ♦