La Marine nationale, bien qu’engagée durant la guerre du Golfe, a eu le sentiment d’une certaine marginalisation. Elle a alors entrepris une profonde mutation, tirant les leçons de ce conflit. Cette modernisation lui a permis de retrouver une capacité majeure de projection de force autour du porte-avions.
La Marine et la guerre du Golfe : de la gestion de crise à l’action contre terre
The Navy and the Gulf War: from Crisis Management to Sea-to-Land Action
Whilst the Marine Nationale was fully committed during the Gulf War, it nevertheless had the feeling of being sidelined to some extent. As a result it underwent fundamental change, building on lessons learned from the conflict. This modernisation allowed it to recover a major force projection capability, centred on its aircraft carrier.
Le 6 avril 2011, sur le parvis des arènes de Nîmes, une cérémonie militaire attribuait l’inscription « Koweït » sur les plis de dix-sept drapeaux ou fanions d’unité. Parmi elles, pas une n’appartenait à la Marine (1). Récompense d’une expérience combattante, cette cérémonie ne pouvait que valoriser Daguet, au sens de la participation française à la campagne Tempête du Désert (Desert Storm), plutôt que l’ensemble des opérations menées durant les neuf mois de crise qui forment la « guerre du Golfe ». Or, si les bâtiments de la flotte ont été très actifs dans des missions variées, depuis l’ouverture du théâtre jusqu’au déminage des eaux koweïtiennes après-guerre, ils n’ont pas connu l’épreuve du feu, cette ordalie qui demeure le jugement ultime du mérite militaire. Il ne s’agit pas de discuter du rôle de la Marine nationale dans ce conflit ou de sa mémoire, mais d’attirer l’attention sur cette singularité qui fonde son expérience. Car c’est bien au regard d’un risque de marginalisation dans les engagements extérieurs futurs que la rue Royale tire les leçons de sa participation à la guerre du Golfe. Lui faut-il pour autant remettre drastiquement en cause son modèle d’armée ? Répondre par l’affirmative serait parier sur la reproduction d’un conflit similaire (2). Or, celui-ci n’est-il pas, à bien des égards, trop singulier pour servir d’étalon ? Par ailleurs, les défis auxquels la Marine est confrontée dans cette guerre inattendue ne sont pas dissemblables de ceux des autres armées françaises ; toutes s’interrogent sur l’ampleur et les moyens de la projection de force, les capacités de combat à mettre en œuvre et l’intégration au sein d’un dispositif interallié.
Évaluer les conséquences de la guerre du Golfe sur la Marine nationale revient donc, d’une part, à mettre en perspective l’évolution de son modèle avant et après ce conflit, en particulier pour ce qui concerne les interventions extérieures, et d’autre part, à discerner la façon spécifique avec laquelle elle aborde la redéfinition du système de défense français dans son ensemble lors de la décennie qui suit (1991 à 2001).
La priorité donnée à la gestion de crise, 1972-1990
En 1990, la Marine nationale est déjà riche d’une forte expérience opérationnelle sur les théâtres extérieurs. À la suite du Livre blanc de 1972 qui reprend la notion des trois cercles d’action stratégique du général Lucien Poirier (le sanctuaire national, le glacis européen et l’outre-mer français ou lié à la France par des accords de défense), la flotte est engagée sur l’axe Méditerranée — mer Rouge — océan Indien. Le septennat de Valéry Giscard d’Estaing amplifie cette impulsion par la mise en œuvre d’une stratégie indirecte visant les « dangers qui peuvent provenir de diverses zones du monde » (3). Il s’ensuit une première période de prolifération des opérations extérieures, non plus simplement considérées comme la contrepartie militaire des accords d’association qui lient la France à ses anciennes colonies, mais comme une capacité d’action plus générale.
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